« Le Futur de l'Intelligence Artificielle»


Patrick Saint-Jean
ENSC Département Design
Chair Paris ACM SIGGRAPH Professional and Student Chapter
Groupe IMAGE de l'ASTI

ASTI 2005, Clermont-Ferrand
24 au 26 Octobre 2005


Il y a 20 ans Marvin Minsky publiait son livre The Society of Mind (1985), traduit en 88 par Jacqueline Henry sous le nom de La Société de l'Esprit (InterEditions, Paris), relatant de nombreux travaux et réflexions qui le placent comme un des fondateurs de l'Intelligence Artificielle. En 1958, il fonde le Laboratoire d’intelligence artificielle au Massachusetts Institute of Technology) après avoir constaté que la convergence pluridisciplinaire de théories en psychologie (Freud, Piaget), en mécanique et mathématique (Gödel, Turing) prirent fondation dans les années 40 avec les travaux de McCulloch et Pitts sur la possibilités des machines de voir, raisonner et se souvenir, et prirent leur envol comme science nouvelle vers 1950 avec l'invention de l'ordinateur électronique.

D'après Minsky : "J'appellerai Société de l'esprit ce système selon lequel chaque esprit est composé d'un grand nombre de petits processus que nous appellerons agents.
Chaque agent ne peut, à lui seul, effectuer que quelques tâches simples ne demandant ni esprit ni réflexion.
Pourtant, le regroupement de ces agents en sociétés - selon des modalités particulières - peut aboutir à la véritable intelligence."
"Une machine est intelligente à partir du moment où elle accomplit des tâches qui, si elles étaient accomplies par des hommes, seraient considérées comme intelligente
".

On pourra ainsi dire que depuis le départ la volonté d'expliquer comment l'activité mentale fonctionne ?,
comment l'intelligence peut-elle surgir de l'absence d'intelligence ?
est le propos de l'Intelligence Artificielle.

Tout en gardant à l'esprit :
"Qu'il faudrait faire en sorte que tout soit aussi simple que possible, mais pas plus simple". Albert Einstein.

Tour d'horizon : L'intelligence artificielle au SIGGRAPH 2005

Dans la revue AFIA n°60, Intelligence Artificielle et Image, nous annoncions les dernières avancées de l'IA,  et surtout le questionnement qu'elle engendre dans ses applications.
De retour du SIGGRAPH nous faisons le point des nouvelles connaissances.

La puissance des ordinateurs a permis le développement rapide de diverses techniques pour le traitement d'image et la vision artificielle.
Après les consoles de jeux, l'image est arrivée sur les téléphones portables, les PDA et autres « devices ».
Les applications sont nombreuses : jeux (et serious game), communication, formation et e-learning, réalité virtuelle, augmentée et simulée, design,  maintenance,  e-business,  médecine,  robotique,  jouets,  domotique,  sécurité,  cinématographie, autres ...

Comme nous l'annoncions déjà en 1996, tout n'est plus maintenant que question de COMPORTEMENT (To a behavioural Design, by Patrick Saint-Jean, CREACI at the École Normale Supérieure, CRI at the University Pantheon-Sorbonne, Paris, France, 1997).
Avec ses développements actuels présentés au SIGGRAPH 2005 à Los Angeles :
- Composite Behavior Synthesis Technique for Mental Communication Games (CompositeBehaviorSynthesis.pdf),
- Learning to Move Autonomously in a Hostile World (sketches 0161, LearningtoMoveAutonomously.pdf),
- Animating Autonomous Pedestrians (AnimatingAutonomousPedestrians.pdf).

De façon générale, aborder l’I.A. et l’image, c’est ouvrir un champ R&D vaste du fait qu’avec le film d’animation numérique, la 3D temps réel (Open- GL), le jeu et la réalité virtuelle, augmentée et simulée, pouvant faire appel à l’interactivité, tout processus global en chaîne directe ou bouclée, faisant intervenir soit une caméra ou une prise de mesures 2D, soit un support de visualisation et d’expression 2D (écrans, moniteur de contrôle de processus ou de projection), sans oublier les mémoires d’image non visualisée (base de données, pages composites multimédia ou hypertextes pour l’Internet), et les images mentales virtuelles en robotique (image de « soi », de son environnement et des autres, image de l’image que se font les autres de « vous »), sont susceptibles d’accueillir un processus d’I.A. particulier, spécifique et intrinsèque dès qu’il y a génération de propositions et de choix avec prise de décision et action selon des règles (automates), des connaissances dictées ou apprises (systèmes experts), ou des processus (adaptabilité, moteur d’I.A.).

La forme et sa reconnaissance dans l’image est généralisée à son traitement informatique (image abstraite de données, structure et traces de processus) et à sa mise en forme dans l’information et la communication. L’introduction du subjectif objectivé et l’objectivation subjectivée dans les systèmes numériques d’information, de représentation, de recherche et même de loisir (entertainment), posent de nouvelles problématiques où se projettent ceux qui veulent « mécaniser, électrifier, électroniser, technologiser et cybernétiser » l’être humain, et ceux qui veulent rendre biologique, vivant, émotif, conscient, logique, social et intelligent voire humain la machine, le robot, le système informatique et le réseau numérique.
Face à l’arrivée des pseudosciences (Larivée, S : L'influence socioculturelle sur la vogue des pseudosciences. Revue de Psychoéducation et d'Orientation), les sciences, arts et technologies ont besoin de se repositionner à des fins d’objectivation du subjectif culturel pour mieux l’appréhender, le capter, le simuler, le contrôler et l’intégrer dans des processus de véracité (analyse, interprétation) impliquant les propriétés mentales et émotionnelles de l’être humain.

La notion d’image numérique, flux 2D pixelisé et matérialisé, constant ou variable dans le temps, se rapproche plus de la notion de vision numérique. De la robotique au personnage de synthèse, il n’y a qu’un pas, l’un pouvant être la maquette virtuelle de l’autre, mais aussi dépasser l’austère physionomie de robot pour devenir l’acteur synthétique vraisemblable, suffisamment crédible (believable characters), vision de tous les fantasmes et de tous les espoirs, comme de tous les monstres et de toutes les chimères.

Paraître, c’est déjà créer une image dont la perception répond aux exigences des autres ou à ses propre désirs. L’interactivité a déplacé ou plutôt étendu la problématique de l’intelligence artificielle du jeu des états, des positions, des formes statiques, au jeu des transitions d’état, des mouvements, des stratégies et de leurs apparences.

Le bras robotisé avec retour de force (Phantom, plug-in pour 3DsMax ou Maya) de SensAble, permet de dépasser le 2D de l’écran en touchant réellement la matière virtuelle et où le designer/sculpteur numérique creuse, lisse, casse avec appréhension tactile, mettant en boucle sa propre vision (comme il le voit) et la formation d’images mentales (comme il le sent).

L’intelligence artificielle se place également dans les effets spéciaux comme le moteur d’IA de Cinéma 4D de MediaWorks avec Thinking particles, un système de particules basé sur l’événementiel. De la caricature théâtrale au plus près du simulacre ou de la simulation, le personnage dans sa dynamique est considéré comme un caractère, un avatar autonome ou contrôlable générateur d’images, d’expressions visuelles. Personnages crédibles (Believable Characters) : Les personnages ou acteurs synthétiques contrôlés par l’I.A. sont-ils de l’ordre du possible, et où nous conduisent-ils ?

Là est la question posé cet été au SIGGRAPH, le Mercredi 3 Août dans le cadre des Panels. La capacité de traitement augmente à la même vitesse que les espérances, demandes et besoins des joueurs, qui soulève bien plus de questions que de réponses :

• Où en sommes-nous (et nos caractères) en termes d'intelligence artificielle ?
• Comment évolue le divertissement interactif dans les jeux sur les Playstation3 et Xbox2, avec des environnements massivement multijoueurs à jeu de rôle en ligne ?
• Comment l'I.A. affecte-t-elle le développement des caractères crédibles à forte expression émotionnelle ?
• Comment pouvons-nous doser les priorités et équilibrer les techniques graphiques pour soutenir le réalisme perçu dans un caractère ?
• Y a-t-il des règles ou des orientations que nous puissions faire ressortir des caractères les mieux réussis du jeu ?
• Quels éléments subliminaux peuvent corrompre l'illusion des caractères crédibles ?

Dans ce Panel, les experts en matière d'industrie, les artistes, les animateurs de caractère, et les développeurs partagent leurs pensées profondes qui devraient nous aider à nous faire une idée, avec en image de fond les technologies graphiques, pour découvrir quelques gemmes crédibles (le quanta émotionnel) du caractère d’un personnage, et pour répondre à quelques questions de principe fondamental.
Une autre virtualité, que le jeu, est le Web ou, plutôt, le Web ne serait-il pas un des plus grand jeu virtuel où l’I.A. apporte ou pourrait apporter toute sa contribution, autrement que de le transformer en « Big Brother ».

WWAI :
Comment le Web se développe-t-il ?
Dans une Super-Organisation sociale ou dans une masse d'information fortement déconnectée ?
SocialSuper-OrganismWWAI.pdf
Nouveau questionnement le jeudi 1er après-midi. Alors que le World Wide Web pourrait devenir le centre nerveux pour une super-organisation sociale, il demeure terriblement rudimentaire dans toutes ses frustrations. Les documents manquent de mise en forme et de structuration ; l'enchaînement est inintelligent et instable ; l'interaction est limitée, pilotés suivant les auteurs et les navigateurs. Cependant, les choses changent. Des avancées en intelligence artificielle ont pu être appliqué au WWW, le transformant en un univers « wetware-orienté » (d’après le roman de Rudy Rucker, en opposition au hardware et software du système lui-même, le wetware représente le système nerveux humain des développeurs, opérateurs et administrateurs utilisateurs), globalement distribué et massivement parallèle.

Les développeurs de tous les domaines du Web discuteront cette problématique et d'autres possibilités pour le futur du Web. On remarquera également que le Computer Science and Artificial Intelligence Laboratory du Massachusetts Institute of Technology (MIT) est fortement présent cette année dans de nombreuses communications au SIGGRAPH.

Les savoirs et savoir-faire ne sont pas que dans les Universités et Laboratoires, l’Industrie présente au SIGGRAPH 2005, développe ses produits à forte composante d’intelligence artificielle.



• Act-3D, B.V. (www.quest3d.com) a créé Quest3D, un programme de logiciel pour les artistes 3D, de multimédia et les réalisateurs de réalités virtuelles. Quest3D est orienté pour des productions de temps réel 3D, comme l'architecture, la formation à la réalité virtuelle, le divertissement et les présentations interactives. Les points culminants de Quest3D™ incluent la simulation de phénomènes physiques, la connectivité de base de données, la gestion de réseau à utilisateurs multiples, l'intelligence artificielle, le rendu optimisé de paysages et de foules et des possibilités graphiques puissantes.

• Activeworlds, Inc. est réalisateur d'un navigateur 3D, avec plus de 1.5 million de téléchargements, qui assure la livraison efficace de contenus 3D via l'Internet. Avec 3Dlive, vous vous retrouvez dans des environnements 3D où des caractères contrôlables à distance vous aident à la visite guidée et commentée de laboratoires, de galeries ou de boutiques avec une force de vente obtenue par intelligence artificielle.

 

 • AFA Products Group, Inc. apporte des solutions en matière de rapide isolation d’objets en mouvement comme s’ils bougeaient en superposition d’une séquence d’images (incrustation) pour permettre des travellings ou des fenêtres de correction de couleur (TRAX’IM).

• Deshiva Intelligent Systems Co. est l'un des organismes importants chinois pour le développement de l'animation 2D/3D, des jeux, du Design virtuel, de la fabrication virtuelle et des produits d'application intelligents.

• DigiPen Institute of Technology est un établissement d’enseignement se concentrant sur le graphique, le traitement d'images (dont l’intelligence artificielle), le 2D et le rendu 3D.

• Massive Software est spécialisée dans la vie artificielle pour l’animation numérique dans la création d’animation d’agents-contrôlés (pilotés) autonomes, pour le cinéma et la télévision, dont les plus connus se trouvent dans des effets visuels de foules.

• MUSE Technologies est spécialisée dans une gamme complète de logiciels, de matériels, et de solutions pour la visualisation de données, la simulation, la Réalité virtuelle, et la collaboration gérée en réseau.

• Stottler Henke Associates, Inc. développe des logiciels intelligents pour résoudre les problèmes qui défient la solution en utilisant des approches traditionnelles, en se spécialisant dans les logiciels d'intelligence artificielle pour les simulations d'e-enseignement et apprentissage (e-learning) et de jeu, la gestion et la découverte de la connaissance, la planification et la gestion des délais, et celles d'aide à la décision (http://www.stottlerhenke. com/ai_general/using_ai.htm). Son site nous révèle l’Histoire de l’I.A. depuis l’écriture d’un papyrus de 3000 ans avant Jésus-Christ ! sans doute à compléter (http://www.stottlerhenke. com/ai_general/history.htm).

• Mais c’est peut être BioGraphic Technologies (BGT) qui développe AI.Implant, le logiciel (ou SDK) le plus performant en intelligence artificielle pour les développeurs de jeu, producteurs d’animation, et développeurs de simulation, à l’heure actuelle (http://www.biographictech.com/). Imago by students from ETPA Toulouse.

 

D’autres entreprises plus orientées sur la vente de produits intelligents sont également présentes.

George Lucas, le père du cinéma numérique, et producteur d'exploits cinématographiques visionnaires comme Star Wars et Indiana Jones, a révélé sa motivation et ses plans futurs :
 - « I am a storyteller at heart »
- Looking to the future, Lucas expressed his belief that advancements in artificial intelligence will vastly change technology and particularly the game industry.
-  « I want to get to the point where you can talk to a game and the game will talk back. »
- Lucas stressed that his quest for innovation was a quest for « immaculate reality ».
Extrait de la conférence invitée de George Lucas au SIGGRAPH 2005, voir http://paris.siggraph.org http://www.siggraph.org/siggraph_ 2005_keynote

Dans la Société de l’information, banalisée comme l’ordinateur et le numérique omniprésent, l’intelligence artificielle infuse et se diffuse discrètement mais fondamentalement dans de nombreuses disciplines pour même souvent se mettre en avant à titre de marketing dans la production industrielle.
Cette étendue provoque des expériences nouvelles et des mises en situation motrices de renouveaux ou de réécriture, voire de nouvelles écritures dans de nouveaux contextes. Les arts, sciences et technologies du graphisme en sont des domaines actuels privilégiés en plein essor avec la Virtualité Réelle, Augmentée et Simulée qui nécessitera non seulement beaucoup d’intelligence pour ne pas seulement paraître mais être et encore plus pour interpréter l’apparence d’une situation et le paraître situationnel de l’être.