François NICOLAS

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"LE MONDE DE L'ART N'EST PAS LE MONDE DU PARDON"
(René Char)


"A chaque touche je risque ma vie". Paul Cézanne

"Se forger des lois de fer, ne serait-ce que pour leur obéir ou désobéir difficilement". Robert Bresson



I.L'orientation générale de Xenakis

Xenakis aborde le travail de composition par le maniement en bloc de vastes ensembles. Loin, comme la plupart des compositeurs, de construire hiérarchiquement ses ensembles, en les engendrant de l'intérieur par combinaison et prolifération d'éléments, par emboitement d'"atômes" et de "molécules", Xenakis opère immédiatement sur une plus ample échelle; chez lui interviennent des ensembles de grandes proportions qu'il nommera "nuages" ou "complexes" de sons et qu'il définira par certaines de leurs propriétés globales: leur aspect granulaire ou continu, la nature plus ou moins prononcée de leur homogénéité interne, la qualité poreuse ou hermétique de leurs frontières...
Cette approche globale, que Xenakis prôna, dès 1955, comme alternative face à ce qu'il appellait "la crise de la musique sérielle"(_), se décèle dans toutes ses partitions. Pour n'en donner qu'un exemple, "Nomos Alpha" se construit autour de huit catégories d'ensembles qualitativement distingués(_) selon la continuité ou le pointillisme des gestes instrumentaux qui les composent, selon leur direction convergente ou divergente...
Ce type de démarche ouvre à une double perspective:
a) comment construire une intériorité de ces ensembles, ne serait-ce que pour les définir musicalement? Comment préciser les éléments qui vont intérieurement les composer?
b) comment combiner ces ensembles, les arranger selon des opérations "externes" afin de générer le Macrocosme et le parcours de l'oeuvre?

Cette démarche peut s'illustrer du schéma suivant:
a b
éléments ensembles ensembles d'ensembles

Le parcours le plus fréquent, qu'un compositeur comme Boulez illustre parfaitement, est, à l'inverse, celui-ci:

éléments ensembles ensembles d'ensembles

La première démarche n'est cependant pas le propre de Xenakis; on la trouve également pratiquée par certains compositeurs sériels, qu'il s'agisse de Stockhausen (dés le début des années 50, celui-ci travaille sur des "groupes" de sons(_)) ou de Ferneyhough(_) mais il est vrai que la majeure partie des compositeurs illustrent plus volontiers la seconde position.

Le propre de Xenakis va être de dissocier les deux processus (a) et (b) impliqués par le schéma précédent et de les constituer indépendamment l'un de l'autre: les opérations (b) qui travaillent de l'extérieur les ensembles vont se faire selon une logique indépendante de leur qualification intérieure (a). Il y aura donc deux logiques distinctes: l'une pour engendrer la Macro-structure, l'autre pour particulariser la micro-structure.
Donnons de cela deux exemples(_) :
* Dans "Herma", les opérations extérieures sont décalquées des opérations élémentaires de la théorie des ensembles: l'intersection, la réunion et la complémentarité. Les opérations intérieures de remplissage se font par contre de façon probabiliste sur la base d'une sélection (revendiquée arbitraire) de trois ensembles de hauteurs.
* Dans "Nomos Alpha" les opérations extérieures résultent d'une combinatoire empruntée à la théorie des groupes; par delà les intitulés techniques que Xenakis se plait à mettre en avant(_), on trouve des règles assez simples servant à enchaîner de façon variée les ensembles initiaux. Les opérations intérieures se feront par contre selon une logique entièrement indépendante: la logique des cribles.
On a, dans ces deux cas, un cloisonnement entre les différentes catégories d'opérations compositionnelles, une indifférence réciproque entre processus intérieurs et extérieurs.
Ceci ne se retrouve nullement chez les compositeurs précédemment cités:
* Stockhausen s'astreint à unifier les deux processus au moyen de l'unicité d'une loi, loi d'engendrement qui, partant du global de l'oeuvre, va produire le détail de la partition par fragmentation répétée en sorte que son travail de composition pourrait ainsi se symboliser:

éléments ensembles ensembles d'ensembles

* Ferneyhough pour sa part constituera les opérations externes en tenant compte de la nature singulière de ses ensembles et en particulier de leur déploiement sonore; ainsi les filtres qu'il utilisera pour déduire de nouveaux ensembles à partir d'un ensemble premier seront fonction du "contenu" propre de cet ensemble. Il y aura donc chez lui un engendrement concommittant des deux processus si bien qu'il serait justifié dans son cas de les symboliser par la même lettre, affectée d'indices variés:
A1 A2
éléments ensembles ensembles d'ensembles

L'attitude de Xenakis a deux conséquences:
1) La "composition" intérieure de ses ensembles se définit comme un processus de remplissage: une fois les frontières et les "qualités" globales des ensembles fixées (tessitures, plages de durées, ambitus, dynamiques...), l'espace ainsi circonscrit est occupé localement sans être rétroactivement affecté par le matériau qui lui advient.
2) L'organisation macroscopique, pour sa part, est conçue selon le modèle d'une formule. En effet, le global de l'oeuvre n'est plus un processus mais la consécution d'opérations, ordonnées selon une loi indifférente à la particularité des objets manipulés.

II.De deux catégories de problémes

Ce faisant, Xenakis disjoint radicalement deux sortes de propriétés du matériau: ses propriétés intrinséques et ses propriétés en situation. J'emprunte ces catégories à A.Lautman(_) qui discerne deux façons très globales de concevoir leur articulation:
* La première vient de Leibniz et associe étroitement les deux types de propriété; l'exemple canonique est celui de la bande de Moebius puisque sa principale propriété intrinséque (être une surface inorientable) est essentiellement corrélée à sa propriété en situation (être une surface unilatère).

* La seconde, celle de Kant, dissocie l'analytique des propriétés intrinsèques de l'esthétique des propriétés de situation, à charge alors pour le théoricien de penser l'articulation de cette dualité originaire et l'influence relative des unes par les autres.
Dans ces deux cas, il n'y a de consistance globale du "Tout" résultant de l'insertion d'un objet dans un espace que si les deux ensembles de propriété rejaillissent l'un sur l'autre; ou encore: il n'y a de consistance de la globalité résultante que s'il y a un noeud qui s'instaure entre identité interne du matériau et nature des processus auxquels il est soumis, que ce noeud soit d'essence (Leibniz) ou qu'il soit d'existence (Kant).
Comment en effet échapper à cette exigence minimale que l'on retrouve bien naturellement dans la composition? Xenakis n'hésite pas à se défaire de ce souci, et nous allons voir à quel prix.

III.Le remplissage des espaces locaux

Comment Xenakis va-t-il remplir ses espaces prédécoupés dont l'avenir est prédéterminé?
Son opérateur privilégié sera un contrôle statistique des éléments; par quelques techniques "stochastiques", Xenakis va sélectionner des éléments à l'intérieur d'un réservoir (plus ou moins arbitrairement préconstitué) et les répartir dans les espaces préformés; sa préoccupation se portera non sur le détail de chaque occurence mais seulement sur quelques résultantes "moyennes". Bien évidemment Xenakis varie son travail et recourt également à des techniques non statistiques de remplissage, mais l'élément commun qui autorise de prendre l'appareillage stochastique comme paradigme de son approche compositionnelle est que, dans tous les cas, Xenakis se consacre à un contrôle "en gros" du matériau. D'où trois caractéristiques de son travail:
1) Il dispose plutôt qu'il ne compose (en ce que ce dernier terme suppose de dialectique, a minima entre le local et le global).
2) Il indiffére les détails de sa partition.
3) Il travaille son matériau "en gros".
Cette simplification drastique ne manque pas de lui faciliter les problèmes compositionnels et permet de comprendre l'abondance de sa production(_).

IV.Le geste

Xenakis dispose cependant d'un atout capital: la force de son geste (instrumental ou musical). C'est en ce domaine que se situe, à mon sens, son inventivité propre et c'est par là, je crois, que l'auditeur et l'interprète accèdent généralement à sa musique .
Le geste est chez lui ce qui condense, en un élan soudain et un détour imprévu, ce qui était laborieusement disposé dans l'"hors-temps" du travail pré-compositionnel. Telle est la ressource singulière de ses oeuvres: le geste, ce mouvement si présent et captivant mais également si pauvre et univoque, qui retient l'attention, accroche l'oreille quand il la prend par surprise pour l'abandonner aussitôt quand, inévitablement, il se clot et se referme sur lui-même.
Mais la puissance du geste est grevée de l'incapacité de cette catégorie à articuler à elle seule une pensée musicale; c'est pour cela d'ailleurs que d'autres compositeurs tels F.Donatoni(_) ou B.Ferneyhough(_) ne conçoivent le geste que pris dans une dialectique avec cet Autre du geste qu'est, pour ces compositeurs, la "figure".
En musique, le geste connote nécessairement l'idée de références et de significations. Un geste résiste en effet à n'être que le maillon neutre d'une chaîne; il se refuse à ne prendre sens que par ce qui l'entoure et l'enserre, à être principalement défini par ses propriétés de situation. En ce sens le geste se rapproche d'un "caractère" (au sens psychologique du terme) plutôt qu'il n'est une plasticité fonctionnelle.

Le geste musical, nécessairement, interrompt un enchainement et ainsi s'oppose, en un sens emprumpté à Lacan, à la logique du signifiant: si le signifiant est bien en position de "suprématie sur le signifié", si c'est bien "dans la chaîne du signifiant que le sens insiste (sans) qu'aucun des éléments de la chaîne ne consiste dans la signification dont il est capable"(_), le geste est ce qui interrompt "le glissement incessant du signifié sous le signifiant", ce qui asservit le matériau musical au registre des significations et des références.
Certes l'usage de catégories empruntées au langage ne vaut ici que pour une métaphore; je n'en tiens pas en effet pour les modèles linguistiques en matière musicale, non que la musique soit, comme on a pu le dire trop légèrement(_), "un art non signifiant" mais, plus exactement, qu'elle ne soit pas un discours. D'où la difficulté singulière de parler de la musique, voisine de cette difficulté à produire un discours sur ce qui n'en est pas un et l'on sait, depuis Freud, qu'une telle question est au coeur du problème de l'interprétation des rêves.
Donc, le geste est ce qui leste une entité sonore de références et de significations; c'est là ce qui lui confère son impact spécifique sur l'auditeur mais en même temps le contraint à ne pouvoir être qu'une césure, qu'une scansion du travail musical: n'enchainer que des gestes reviendrait à aligner des slogans. La production de gestes, si elle reste une part déterminante de l'art musical (et qui ne connait l'importance du "bon geste au bon endroit"?), ne saurait en être le fondement, encore moins la matière principale(_).
Xenakis mise cependant tout son crédit sur ses gestes; il les pratique selon deux modalités:
- tout le travail de l'oeuvre est au service de l'émergence d'un geste spectaculaire, de l'effet (instrumental ou sonore) qui arrachera l'adhésion du public et le laissera pantois et bien souvent décervelé. C'est dire qu'alors le geste s'annonce longtemps à l'avance et fait perdurer ses résonances; lourdement attendu, il tétanise la pensée et aveugle la mémoire.
- à la différence de ce premier cas, assez bien représenté par le geste instrumental, physiologiquement impossible à réaliser (20 sons à la seconde!) qui conclut "Herma", Xenakis recourt également à ce que j'appellerai des "catalogues de gestes instrumentaux" tel qu'on en trouve dans "Nomos Alpha". Ici se rencontre une succession de gestes inlassable et, à dire vrai, potentiellement illimitée, sorte de chronique diversifiée où chaque auditeur est loisible de prélever selon son appétit du moment. Là encore l'oeuvre se conclut sur un geste instrumental rigoureusement inexécutable(_) mais ce terme ne se distingue plus guère des autres effets qui l'ont précédé.
N'y a-t-il pas, dans cette prévalence du geste, la raison de l'impact sonore immédiat que procure souvent la musique de Xenakis? C'est aussi ce qui la rend plus étroitement dépendante de la situation de concert où l'auditeur peut doublement percevoir le geste, tout spécialement lorsqu'il est instrumental puisqu'il peut le voir en même temps que l'entendre; mais une composition peut-elle ne se soutenir que de tels effets? Ne bute-t-on pas sur l'unilatéralité d'un effet qui ne serait au service de rien d'autre que de lui-même? Dit plus prosaïquement: si l'on peut être accroché, surpris, retenu à la première audition d'une oeuvre de Xenakis, la seconde ne procure-t-elle pas immanquablement le sentiment d'une pauvreté accablante?
Plus grave encore: si l'effet, quand il est rare, permet de faire basculer une oeuvre d'un versant à l'autre de sa trajectoire (je songe ici à ce geste rythmique, déstabilisant la mesure à trois temps, que Beethoven utilise dans le développement du premier mouvement de l'Héroïque pour introduire, en un endroit entièrement inusité, à l'émergence d'un nouveau thème), l'effet, quand il ne fonctionne plus que pour lui-même c'est-à-dire lorsqu'il n'est plus qu'effet sonore sans effet musical, s'empâte et confine très vite à l'exhibitionnisme, quand il ne tourne pas d'ailleurs au comique pur et simple: quand le signifiant du geste s'affiche sans signifié, quand la démonstration n'est plus qu'affirmation phallique!

Pour cette raison, la musique de chambre de Xenakis est certainement la part la moins défendable de toute sa production: ce qui peut fonctionner comme virtuosité tapageuse dans sa musique pour instrument solo et comme geste inouï dans sa musique pour grands ensembles vire très vite, dans ses oeuvres pour petite formation (je songe par exemple à "Palimpsest"(1979) mais aussi dans le catalogue des oeuvres pour percussion à "Persephassa"(1969)), au concours débridé où chacun rivalise pour exhiber ses attributs, si bien que la part nécessairement "brute" de tout geste (part qui est le prix inévitable de son impact sonore) s'y convertit en grossièreté.
En ce sens, le rapprochement souvent fait entre Xenakis et Vasarely(_), pour être exact, n'en est que plus cruel, la "plastique" de Vasarely relevant de la décoration des salles d'attente et des halls d'aéroport bien plus que de la peinture proprement dite.

V.L'occupation de l'espace global

Comment Xenakis assemble-t-il et combine-t-il ses espaces locaux et ses ensembles en vue d'engendrer une Forme? Xenakis opère au moins de deux manières différentes:
1) Dans un premier cas (que l'on trouve dans "Herma" et "Nomos Alpha") la Forme sera engendrée par une macro-combinatoire portant sur les espaces locaux. Le global de l'oeuvre s'engendre ici au fil successif des calculs en sorte que la Forme de "Herma" peut être définie comme le parcours d'une formule algébrique(_) et celle de "Nomos Alpha" comme l'effeuillage d'un formulaire de permutations(_). Toute la Forme musicale se gage ici sur un calcul algébrique et une disposition ordonnée d'objets distincts.
2) Dans d'autres cas, Xenakis conçoit la Forme comme un profil géométrique: le temps premier de la composition est alors pour lui le dessin des grandes trajectoires qui vont envelopper l'oeuvre. C'est le cas par exemple de "Métastasis"(_) (avec ses "surfaces réglées" figurant les glissandi de cordes) et de bien d'autres de ses oeuvres(_). On a souvent assimilé ces figures géométriques à des projets architecturaux. C'est là, je crois, une référence injustifiée à l'architecture, s'il est vrai que celle-ci, consistant à produire de l'espace(_), ne saurait se rabattre sur la réalisation spatiale de figures géométriques.
Ces dessins globaux ou ces calculs algébriques peuvent-ils tenir lieu d'ossature pour une Forme musicale? Pour la plupart des compositeurs, ces types d'objets qu'ils utilisent dans l'intimité de "leur chambre d'écriture"(_) restent de simples étapes intermédiaires pré-compositionnelles qui n'appartiennent qu'à la genèse de l'oeuvre et ne servent qu'à nourrir l'imaginaire de leur auteur; c'est dire qu'il n'y a pas vraiment lieu d'y faire référence quand on traite de l'oeuvre achevée.
Tel n'est plus le cas chez Xenakis. C'est d'ailleurs là l'origine de cette difficulté particulière que l'on rencontre lors de l'analyse de ses oeuvres: il n'y a en effet bien souvent pas d'autres moyens de les traiter que de refaire à l'envers les calculs du compositeur et d'examiner ensuite leur pertinence(_). Là où, chez tout autre compositeur, le résultat (l'oeuvre) transcenderait sa genèse en sorte qu'il y ait sens à mettre en évidence une consistance de l'oeuvre non transitive à la cohérence de son engendrement, chez Xenakis il n'y a pas en général de telle rupture de plan: l'oeuvre reste immanente à sa poïétique. C'est dire combien elle est menacée de ne pouvoir fonctionner par elle-même, comme totalité consistante, combien elle se voit obligée de miser sur la captation de l'auditeur par tel ou tel geste plus ou moins spectaculaire.

On bute, ce faisant, sur le fait suivant: si la Forme est le nom d'une consistance musicale globale, la Forme musicale ne saurait être ni architecturale, spatiale ou géométrique, ni combinatoire ou déductive; de même la Forme musicale ne saurait être narrative: Xenakis recourt plus rarement à cette troisième ressource mais on la trouve cependant implicitement mise en jeu dans ses oeuvres déclarées "libres" telle "Jonchaies". Ces oeuvres que Xenakis dénomme "subjectives"(_) n'échappent nullement aux critiques précédentes; en effet le point principal qui les différencie des oeuvres dites "rigoureuses" est seulement qu'un procédé unique n'y est pas tenu d'un bout à l'autre en sorte que, dans ces oeuvres "libres", les sections se succèdent, exploitant l'une après l'autre les différents procédés que Xenakis s'est constitué par ailleurs. Ces oeuvres, moins uniformes et par là moins "austères", n'en sont pas pour autant plus "composées" et leur Forme n'en existe guère plus: le catalogue est simplement plus diversement effeuillé.
Le point crucial est que la Forme musicale consiste en l'existence d'un temps singulier, qu'il convient de nommer temps musical et que Xenakis, d'une manière très symptomale, s'acharne à disqualifier.

VI. Le temps

Xenakis est le seul compositeur - à ma connaissance - qui dénigre la dimension temporelle de la musique. A prendre au sérieux son propos, on se trouve là en face d'un paradoxe singulier, qui conduit d'ailleurs Xenakis à douter parfois de sa propre identité de compositeur pour se définir plutôt dans un horizon pluri-disciplinaire (on reviendra plus loin sur le rapport aux mathématiques qui sous-tend cette posture). Paradoxe en effet que de considérer, comme le fait Xenakis, que le temps est un simple paramètre second, sorte de faisceau lumineux balayant une structure "hors-temps".
On sait que Xenakis propose une tripartition qui distingue les catégories de l'"hors-temps", de l'"en temps" et du "temporel"(_). Je propose d'interpréter ainsi ces catégories:
- l'"hors-temps", c'est l'espace, y compris l'espace longitudinal des durées;
- le "temporel", c'est la catégorie du temps pensé comme paramètre, comme ce qui permet de parcourir linéairement l'espace hors-temps, de le faire défiler continuement et successivement devant une sorte de fenêtre étroite;
- l'"en-temps", c'est ce qui résulte de la temporalisation des structures hors-temps, de la paramétrisation temporelle de l'espace (Xenakis use même de l'image d'une "gravure temporelle"(_)); bref, c'est le produit de l'hors-temps et du temporel.
Ou encore: l'hors-temps, c'est ce qui sera paramétré; le temporel, c'est le paramètre; l'en-temps, c'est le résultat du paramétrage.
La structure hors-temps est pour Xenakis l'essence de la structure musicale, avec les trois dimensions qu'il lui reconnait: les hauteurs, les intensités et les durées(_). Si les durées sont paradoxalement comptées par lui comme une des dimensions de l'hors-temps, c'est qu'elles en constituent la mesure horizontale; elles symétrisent ainsi, dans l'ordre latéral de la partition, ce qui prévaut sur le plan vertical des hauteurs. Pour Xenakis les durées ne sont pas un vecteur dissymétrique, à la fois irréversible et sans substance propre qui fonctionne, vis à vis des hauteurs, intensités et timbres, comme une sorte d'"âme" vis à vis d'un "corps", comme potentiel d'existence offert au matériau sonore. Pour lui, les durées sont somme toute l'axe horizontal de sa feuille de papier millimétré.
Clairement, Xenakis réduit le temps à sa seule dimension paramétrique, ce qui n'en est pourtant qu'un aspect fort réduit(_) que l'on pourrait d'ailleurs retrouver aisément dans la dimension verticale des hauteurs.

La façon dont Xenakis organise les durées s'infère de sa "méthode en gros": les durées de ses ensembles sont en effet déduites de calculs portant sur les densités et les vitesses moyennes en sorte que seules les durées globales (durées des ensembles) sont précisément construites, les micro-durées (des éléments) étant, elles, livrées à "l'expérience stochastique du compositeur"(_). Ainsi le travail de formalisation de Xenakis s'appesantit sur les hauteurs, traite avec plus (Nomos Alpha) ou moins (Herma) de précisions les timbres et intensités alors que les durées n'y organisent nulle synthèse musicale et se cantonnent au statut de résultante passive.
Le temps chez Xenakis n'est nulle part scindé en durées et tempo, en durées élémentaires et durées globales, en micro- et macro-durées. Très exactement, le temps n'est pas composé en sorte qu'il est légitime de dire que, n'organisant pas le temps mais se contentant d'exposer une structure a-temporelle dans le temps physique des secondes, Xenakis ne compose pas: il lui importe uniquement d'occuper l'espace de la partition.

VII.La Forme

Il est aisé de comprendre les effets dévastateurs qu'une telle attitude peut avoir vis-à-vis de la Forme musicale. J'ai déja dit que la Forme est tendanciellement conçue par Xenakis comme le parcours d'une formule ou comme le balayage de figures géométriques. Il est clair qu'en aucun de ces cas la Forme ne saurait atteindre à l'existence musicale. De semblables parcours, par delà le caractère plus ou moins prononcé de telle ou telle surprise qu'ils incluent, ne sauraient qu'assurer la variété des climats proposés à l'auditeur sans être jamais à même de nouer une trajectoire qui soit musicalement sensée.
Ces apparences de Forme n'en donnent l'illusion qu'en alternant les situations sonores contrastées; d'un coté elles sont sans orientation, de l'autre elles sont également sans cette stabilité extatique, cette immobilité comtemplative que procurent les musiques misant sur les macro-timbres orchestraux.
L'existence d'une Forme musicale, contrairement à ce qu'enseignent certains professeurs de composition, ne saurait être garantie par la seule existence d'un déroulement temporel. Contrairement à l'idée que la Forme d'une oeuvre existerait du seul fait que l'oeuvre prend une réalité sonore, la seule question étant alors de discriminer les "bonnes" des "mauvaises" formes (et tout un prétendu "savoir", postulé dans un pseudo-enseignement de la composition, s'adosse à une telle hypothèse implicite), il faut à mon sens assumer qu'il n'est pas vrai qu'une Forme résulterait du seul fait que se succèdent des séquences sonores. En ce sens, la Forme musicale n'existe pas toujours; je dirai même qu'elle est rare: il est rare de nos jours qu'une oeuvre accède à la capacité d'engendrer une Forme.
Ce n'est pas parce qu'on peut énumérer diverses situations sonores parcourues au fil de l'oeuvre, qu'on peut les distinguer et les nommer qu'une Forme musicale nécessairement en découlera: l'énumération des lettres de l'alphabet telle "A B A C A D ..." ne saurait tenir lieu de Forme. Tout au plus évoque-t-elle la Macro-structure de l'oeuvre, son squelette (qu'on a pris la mauvaise habitude d'appeller son architecture); une telle énumération permet sans doute de sérier les moments traversés, de repérer des récurrences et réitérations variées mais elle ne pense pas la Forme. Ainsi la Forme-Rondo, dont le canevas est évoqué par les lettres précédemment alignées, ne saurait se penser en ces termes, incapables de cerner par eux-mêmes l'essentiel d'un Rondo singulier: ce qui s'y éprouve de la contradiction du même (varié) et de l'autre (réitéré).

Une Forme est toujours une singularité; ainsi les archétypes des grandes Formes tonales n'en sont que des structures générales, telles des problèmes ouvrant à une infinité de solutions différentes en sorte que chaque fugue, chaque sonate (non académique!) a une Forme singulière. De même, dans la musique contemporaine la Forme ne saurait s'inférer d'une quelconque formule. Elle ne saurait, a fortiori, établir sa consistance par transfert d'un attrait graphique ou visuel; il est en vérité passablement puéril de croire que le parcours d'une formule algèbrique (Herma) ou que la paramétrisation temporelle d'une figure géométrique (Metastasis) puisse établir une quelconque consistance musicale.
En fait, la Forme est le nom donné à l'unité globale de l'oeuvre, unité-scission et non unité-fusion, unité résultante et non pas unité a priori ou donnée d'avance, unité qui procède d'une dialectique singulière et ne s'infère nullement d'une éventuelle unicité de la loi ou du système compositionnel(_). La Forme est le nom de l'unité en tant qu'elle est conquise contre la diversité locale, contre la dispersion temporelle; elle s'établit non comme une structure qui contient et retient l'oeuvre mais plutôt comme une fidélité que la mémoire inscrit au fil de l'écoute et par laquelle elle recollecte l'oeuvre.
C'est dire qu'il n'y a de sens musical et donc de Forme que là où il y a enjeu musical de la composition et de l'oeuvre. En ce sens la Forme musicale n'existe pas dans les oeuvres de Xenakis.

VIII.L'histoire musicale

J'ai parlé d'enjeux. Ils sont, en musique, extrèmement variés puisqu'ils n'existent qu'enracinés dans la particularité d'un matériau sonore, que déployés au fil d'une pratique d'écriture. Il y a cependant de grandes constantes de la pensée musicale qui désignent, vaille que vaille, les grandes opérations dialectiques de la composition: on parlera de "développement", de "variation", de "tension et détente", de "transition", de "processus"... Chacun mettra un sens sous ces mots quitte à récuser leur universalité ou leur pertinence présente; chacun cependant confrontera son projet compositionnel à ces catégories, soit pour les revivifier, soit pour les outrepasser - et le fait même de s'établir contre ces catégories n'est-il pas également une façon de reconnaître leur importance?
Xenakis, quant à lui, ne s'embarrasse pas de telles considérations; on peut se dire: voilà sa force, sa capacité de faire table rase de problèmes obsolètes et d'inventer de part en part une nouvelle vision de la musique. Il est vrai qu'une part de "barbarie", de passage en force qui tranche et rejette unilatéralement est parfois nécessaire à l'égard d'un passé trop encombrant mais ceci ne saurait éliminer le temps ultérieur de la recomposition, le moment du bilan où l'histoire passée s'articule à la tache en cours.
La vision de l'histoire musicale que propose Xenakis est particulièrement dérisoire; quelques rares noms circulent sans qu'on ait jamais l'acuité d'une sensibilité musicale. Lorsque Xenakis s'avance à émettre un jugement sur une oeuvre ou un compositeur, on touche à la caricature; quand il parle de la Fugue, c'est pour déclarer sans ambages qu'elle est "un automate"(_) ce que même une fugue d'école n'est pas, sans parler bien sûr des fugues de J.S.Bach toutes entièrement singulières et au parcours original; quand Xenakis écrit: "le Boléro de Ravel dont l'unique variation est la dynamique"(_), on se demande s'il lisait une réduction pour piano de cette oeuvre ou s'il l'écoutait dans une transcription pour accordéon; quand il écrit ailleurs: "Schoenberg n'avait aucune raison, en dehors d'une ignorance relative à son temps et à son éducation de musicien, de réintroduire un ordre temporel dans les douze sons"(_), on se prend à penser que l'ignorant pourrait être celui qui siège fièrement en une Académie qui n'est peut-être plus ce temple du Savoir qu'elle se prétend toujours être. S'il est exact, selon Lacan, qu'une vérité se donne en "trou dans le savoir", si une vérité se mesure donc aux positions constituées du savoir qu'elle met en défaillance, encore faut-il admettre qu'éviter un savoir n'est pas l'ignorer.

Ce que nous dit Xenakis de l'histoire musicale tient en une page de"Musiques Formelles"(_). Peut-on prendre sérieusement cela pour un bilan de compositeur, sans parler des exigences accrues qu'on pourrait avoir vis à vis de quelqu'un qui prétend théoriser sur la musique? Nul n'est sommé de tenir un discours sur l'histoire musicale et tout compositeur peut bien choisir de se consacrer à son oeuvre musicale sans éprouver le besoin de faire de la théorie; qu'au moins celui qui s'y livre soit tenu responsable pour ce qu'il avance.

IX. La dialectique musicale

Le point décisif est que la pratique musicale de Xenakis est radicalement dépourvue de toute dialectique, je veux dire par là de contradictions, de processus donc d'enjeux musicaux. Dans ses oeuvres, on ne discerne nulle contradiction entre d'une part ses systèmes de composition, lois mathématiques et autres principes déductifs et d'autre part une matérialité musicale; on ne repère nulle torsion intérieure à ses oeuvres, torsion où la Forme s'engendrerait d'un conflit entre deux principes.
Il est vrai qu'à reconstituer laborieusement les calculs de Xenakis, on décèle de nombreuses inexactitudes entre le "modèle" mathématique et la "réalisation" de la partition. Doit-on tenir cela pour une preuve de l'instinct musical de Xenakis qui l'amenerait à "corriger" ce que la formule mathématique aurait de trop rigide? Je tiens qu'on ne peut lui faire ce crédit, non par malveillance délibérée, mais seulement au terme d'un examen détaillé de ces multiples distorsions.
Ainsi, pour rester avec les deux partitions retenues, on trouve dans "Herma" une exposition ne correspondant pas aux principes du tirage aléatoire déclaré par Xenakis, ne serait-ce qu'en raison d'un total chromatique initial qui est, "stochastiquement" parlant, tout à fait improbable; on découvre des ensembles proclamés complémentaires qui sont truffés de notes communes au point qu'on peut décèler 32 "exceptions" sur 293 sons(_): ceci revient à dire que plus d'une hauteur sur dix contrevient au système affiché sans pour autant instituer un autre principe de consistance. Peut-on imaginer que Schoenberg, dont Xenakis blame l'inconséquence, ait pu se tromper d'une hauteur au moins dans chacune des transpositions de sa série? A ce point, la prolifération des "écarts de plume"(_) ne pointe-t-elle pas tout simplement l'absurdité du principe retenu?
Dans "Nomos Alpha", les modes de calcul sont également pratiqués "grosso modo"; J.Vriend(_) entreprend un relevé détaillé des inexactitudes, erreurs ou "à-peu-près" qui abondent au fur et à mesure que Xenakis empile de nouvelles techniques de calcul si bien qu'au total l'ordre varié qui était visé devient un désordre compact: Xenakis, superposant, sans contrôle, des techniques hétérogènes, aboutit soit à la neutralisation réciproque de leurs effets, soit à leurs convergences incongrues et inexploitées.
Les inconséquences de "réalisation" sont ainsi erratiques et elles abondent. De plus, elles ne peuvent nullement s'interpréter comme une tentative de "musicaliser" un discours qui serait, sans elles, menacé de dogmatisme scientifique. On ne peut d'ailleurs accepter l'idée que le sens musical puisse tenir à quelques aménagements locaux d'une situation non musicale. Il faut convenir que ces modifications locales auxquelles Xenakis procède, sans doute involontairement, sont insignifiantes du point de vue même des oeuvres dans lesquelles elles interviennent.
Elles sont parfois des petits aménagements localisés auquel le compositeur ne donne nul sens ultérieur: ainsi dans "Herma" voit-on apparaitre au tout début de la partition un total chromatique (sorte de série dodécaphonique tout à fait surprenante dans le contexte probabiliste mis en avant par Xenakis) puis, un peu plus loin(_), une très curieuse séquence diatonique (ré-mi-fa-sol-la) sans que le compositeur ne tire dans la suite de l'oeuvre les conséquences de ce qu'il vient ainsi de poser, en une irresponsabilité assez frappante à l'égard de ses propres décisions.

Le plus souvent les modifications qui apparaissent à l'analyse entre le "modèle" et la "réalisation" sont de pures et simples erreurs; comment s'intéresser à un travail aussi inconséquent vis-à-vis de ses propres présupposés: si nul n'est contraint de se targuer d'une formule mathématique, on peut tout au moins attendre de celui qui s'y réfère qu'il se soumette à la dure loi du calcul qu'il prétend épouser. Comment peut-on se réclamer de principes qu'on traite avec tant de négligences? Comment s'autoriser d'une loi qu'on bafoue aussitôt que posée? Les tragiques grecs (dans lesquels Xenakis aime à se draper) n'auraient-ils pas discerné là le ferment de quelque injustice, si ce n'est le prologue de quelque imposture?

X. Le théoricien

Dans ses déclarations théoriques, Xenakis explicite l'aplatissement généralisé des catégories musicales auquel il se livre:
* Selon lui, l'écriture musicale ne serait qu'un code pur et simple, qu'une notation: "L'écriture graphique (...) ne devrait être qu'une image, fidèle autant que possible à l'ensemble des instructions que le compositeur transmet à l'orchestre ou à la machine"(_).
* L'interprétation ne désigne pour Xenakis que l'exécution, d'où son "idéal" de supprimer l'interprète et l'instrumentiste: "il serait souhaitable dans un avenir très proche (que le résultat final soit incarné) par une mécanisation poussée qui supprimerait les interprètes d'orchestre (...) et qui assumerait la fabrication mécanisée des êtres sonores"(_). Le poète Ossip Mandelstam répondait, dans les années trente de ce siècle, à ce genre de problématique: "Si la direction d'orchestre n'est qu'un coup de pouce à une musique déjà lancée, à quoi sert-elle? (..) Le rêve qu'on caresse d'un orchestre sans chef est à mettre dans le même fourre-tout de la niaiserie européenne que l'esperanto, langue universelle"(_). Ce refus des interprètes a d'ailleurs récemment conduit Xenakis à les remplacer par des taureaux de Camargue(_) sans qu'aucun commentateur n'y trouve apparemment rien à redire.
* La perception enfin est censée s'aligner sur les calculs écrits, sur la formalisation mathématique en sorte que l'oreille serait tenue de suivre la combinatoire organisant les hauteurs. Ainsi Xenakis précise dans sa note introductive à la partition d'"Herma" que "les intensités (...) servent à clarifier la perception des classes (de hauteurs) lors de leur gravure temporelle". C'est donc que le parcours de l'oreille est conçu par Xenakis comme devant épouser les péripéties de la formule mathématique retenue, ce qui est tout bonnement absurde.

XI. Le rapport aux mathématiques

Il faut, je crois, comprendre que le projet de Xenakis n'est pas en vérité strictement musical ou compositionnel mais se présente plutôt comme le projet d'une vaste synthèse entre les arts et les sciences, synthèse qui prend chez Xenakis la tournure métaphorique d'un alliage puisque la publication de sa soutenance de thèse porte pour titre: "Arts/Sciences Alliages"(_). Xenakis n'hésite pas à prétendre couvrir toute l'étendue du terrain ainsi défini; il entend d'un côté embrasser tous les arts, en cette méthode en gros qu'on lui connaît: "Tout ce qui est dit ici au sujet de la musique est aussi valable pour toutes les formes de l'art (peinture, sculpture, architecture, cinéma, etc...)"(_); du coté des sciences, il n'est pas en reste: "L'artiste concepteur devra posséder des connaissances et de l'inventivité dans des domaines aussi variés que la mathématique, la logique, la physique, la chimie, la biologie, la génétique, la paléontologie (pour l'évolution des formes), les sciences humaines, l'histoire, en somme une sorte d'universalité"(_). C'est cependant sur le coeur Mathématique-Musique que Xenakis tente d'asseoir plus spécifiquement son propos.

Xenakis postule d'une part un parallélisme relatif entre les histoires respectives des mathématiques et de la musique et d'autre part une transitivité des unes à l'autre, transitivité qu'il considère non seulement possible mais qu'il déclare nécessaire: " Ici (dans "Pithoprakta"), la pensée se trouve libérée des discussions de détail;(...) elle est forcée de s'aligner sur les positions de la pensée scientifique"(_). Il faut bien constater que la légèreté dont il fait preuve à l'égard de l'histoire de la musique vaut bien celle avec laquelle il investit l'histoire des mathématiques. Celles-ci sont réduites aux disciplines antiques (l'arithmétique et un peu de géométrie) puis à la seule algèbre et, dans ces domaines, l'histoire selon Xenakis s'arrèterait au seuil du XX· siècle!
Quant aux interactions décrites entre les deux histoires et telles que brossées en une fresque publiée en annexe de"Musique.Architecture", il n'est que d'en relever les points extrêmes pour en discerner l'imposture:
- Comment peut-on déclarer qu'il n'y a "pas de correspondance en musique" à la découverte des "nombres irrationnels positifs (tels) la racine carrée de 2"(_) quand le problème grec de l'irrationnalité de V2 fut précisément suscité par celui du partage de l'octave en deux parties égales?(_)
- Comment peut-on affirmer sérieusement que depuis 1920 il n'y a "pas de nouveau développement de la théorie des nombres"(_) quand il serait élémentaire d'aligner les nouvelles découvertes du XX· siècle en cette matière? Certaines d'ailleurs intéressent très directement la théorie musicale; ainsi en est-il de la théorie des "nombres surréels"(_) dont on pourrait montrer qu'elle permet de "quantifier" et d'ordonner les spectres (harmoniques ou inharmoniques) des timbres de toutes espèces: mais il ne s'agit là, somme toute, que d'une prolongation moderne du compagnonnage ancestral entre harmonie musicale et théorie des nombres.
Si l'histoire comparée que propose Xenakis est factuellement insoutenable, elle ne vise en vérité qu'un seul but: tenter de faire valoir l'idée selon laquelle il pourrait y avoir transfert de la cohérence mathématique à la consistance musicale. Cette thèse est véritablement la cause de Xenakis qu'il tente d'établir de force et par tous les moyens. Il ne s'agit pas là, chez lui, d'une simple opinion ou d'une position purement théorique; c'est en effet le ressort même de sa productivité compositionnelle. Xenakis utilise ainsi des lois mathématiques à différentes fins:
a) pour sélectionner certains objets dans un matériau proliférant. Ainsi dans "Nomos Alpha" ses propres hypothèses de composition engendrent 8!=40320 successions possibles de complexes sonores. Pour limiter une telle prolifération, tout compositeur sélectionnerait certaines successions au vue de leur particularité musicale; selon que l'on souhaite par exemple des enchaînements plutôt contrastés ou selon que l'on préfère obtenir des situations sonores plus homogènes et continues, on retiendrait telle ou telle succession. Xenakis, quant à lui, sélectionne sans s'intéresser à la particularité des matériaux musicaux qu'il vient de poser; il ne travaille nullement en faisant fonds sur son intuition musicale mais il mobilise un dispositif mathématique(_) entièrement arbitraire (car totalement insoucieux du problème musical posé) pour retenir 24 des 40320 successions initiales.
Exemplairement ici,la mathématique vient pallier le courage de décider musicalement. Qui plus est, quand on y regarde de près, ces 24 séquences ainsi sélectionnées ont des propriétés combinatoires tout à fait singulières que Xenakis ignore, comme s'il ne se rendait même pas compte des conséquences combinatoires de son mode de sélection: ainsi les permutations des chiffres 1 à 8 qu'il obtient équivalent à la réunion de deux permutations disjointes, l'une portant sur les quatre premiers chiffres, l'autre sur les chiffres 5 à 8. Il a donc obtenu, visiblement sans le vouloir, des séquences aux caractéristiques particulières dont il ne tire aucun parti spécifique.

b) pour assurer un principe de différenciation entre objets. Là également, Xenakis utilise des techniques de calcul selon des à-peu-près mathématiques qui déqualifient son propos mais, surtout, les techniques qu'il utilise étant entièrement indifférentes à la qualité des objets musicaux sur lesquels elles vont "s'appliquer" (lesquels objets ne sont bien sûr ni neutres ni homogènes comme peuvent l'être les "objets" mathématiques) ne vont pas engendrer la variété maximale du résultat musical. Ainsi, pour rester dans "Nomos Alpha", Xenakis n'utilise pas les formules mathématiques qui lui auraient permis de différencier au mieux ses séquences (_) et celles qu'il retient sont involontairement typées, c'est-à-dire caractérisées selon une nécessité non musicale.
c) pour manipuler "en gros" les éléments qui remplissent ses ensembles-objets. Il est très frappant de constater que Xenakis refoule totalement la topologie qui est pourtant la discipline mathématique par excellence pour traiter de globalités, et lui substitue le calcul des probabilités, plus adapté à son travail sur les moyennes et plus riche en formules directement "appliquables".
d) pour définir un principe de succession et d'ordonnancement des grands ensembles d'une oeuvre: on a vu que tel est le cas dans "Herma" puisque l'évolution musicale se fait au fil d'une formule algébrique.
Ce qui est frappant dans ces différents cas de figure c'est que Xenakis ne se fait nulle confiance, et en particulier ne fait nulle confiance à son imagination musicale ou à son intuition de compositeur; il utilise les mathématiques comme une sorte de "sur-moi", comme La loi, celle qui répondrait à l'angoisse du compositeur devant la complexité foisonnante du réel et qui lui ferait faire l'économie du courage d'écrire.

XII Mathématique et Musique

Pour habiller ce propos, Xenakis applique donc les mathématiques à la musique comme si la formalisation musicale pouvait se décalquer d'une formalisation mathématique. Ainsi Xenakis fait porter l'accent, à l'intérieur des mathématiques, sur les mathématiques dites appliquées, réduisant les mathématiques à une sorte de technicité calculatrice. Il est patent que tout ceci découle de cette position qui, prenant la fusion musique-mathématique comme catalyseur de l'alliage arts-sciences, dérive vers une conception techniciste de la science et une vision culturelle de l'art, si bien que l'alliage arts-sciences se trouve bien vite monnayé en alliance de la culture et de la technique pour achever de s'abaisser en ces noces, aujourd'hui constamment célébrées, de la communication et de l'industrie.
A mon sens, il faut opposer à cette problématique la thèse qu'il n'y a pas de noeud direct entre musique et mathématiques. Très exactement, s'il y a noeud, il se fait entre mathématique et théorie de la musique et il inclue nécessairement la philosophie, comme cela seul qui puisse nouer les deux termes(_). C'est bien ainsi d'ailleurs qu'à l'origine grecque les choses se sont jouées puisque se sont fondées d'un geste presque concommittant la philosophie (Parménide), la mathématique et la théorie de la musique(Pythagore)(_). On ne peut, à mon sens, transiter des mathématiques à la musique que par le biais d'une interprétation philosophique des unes (épistémologie) et de l'autre (esthétique). C'est pour cette raison que ce qui se noue alors est moins les mathématiques et la musique que les mathématiques et la théorie de la musique, ce qui n'est pas du tout pareil.

Xenakis court-circuite ces difficultés. Quand il traite de la philosophie (car il ne manque pas d'y toucher), c'est encore et toujours sans s'encombrer de détails et mieux vaut passer sous silence cette partie de ses écrits. Lorsqu'il traite plus spécifiquement de l'histoire de la théorie musicale, Xenakis aime à se référer à Aristoxène de Tarente, l'empiriste anti-mathématicien tout autant qu'à Pythagore, son ancètre et son ennemi. Il y a certes une inconséquence chez Xenakis à se réclamer d'Aristoxène quand par ailleurs il prône l'application des mathématiques à la musique: tout le propos d'Aristoxène est en effet de combattre cette position des mathématiques appliquées à la musique(_). Le paradoxe peut s'expliquer, si on rejette l'hypothèse que les différences de philosophie entre Pythagore et Aristoxène aient pu échapper à la perspicacité de Xenakis, par le fait que Xenakis tient en Aristoxène une sorte d'emblème de l'empiricité intra-musicale qui lui permet de simuler une intériorité à l'histoire du champ musical.
Il est d'ailleurs notable que la rigueur formelle dont on crédite souvent Xenakis(_) et qui devrait l'inciter au culte exclusif de Pythagore n'est pas aussi patente qu'on le croit. En fait le "formalisme" et le dogmatisme dont fait preuve Xenakis dans l'application des mathématiques à la musique ne lui viennent nullement de Pythagore mais plutôt de cette vision technicienne et utilitariste des mathématiques, vision en vérité entièrement indifférente à la rationnalité mathématique, à ses démonstrations et chemins déductifs(_), vision qui trouve son accomplissement au XX· siècle plutôt qu'à l'ère grecque et qui s'emblématise en ce triomphe présent de la figure de l'ingénieur, armé de son vade-mecum de formules à tout faire et de modes d'emploi des machines performantes. Dans le culte de la mécanisation, Xenakis n'est pas en reste: "Ma méthode est capable d'unifier l'expression des structures fondamentales de toutes les musiques asiatiques, africaines, européennes. Elle a un avantage considérable: sa mécanisation"(_) et Xenakis ne doute point des vertus de cette "abstraction" technicienne qui n'est en vérité qu'une indifférence suprême aux contenus effectifs: "Le courant abstrait est tellement puissant et tellement important que ses détracteurs, dans le domaine des arts, paraissent atteints de débilité mentale"(_).

XIII.D'un autre rapport entre logique mathématique et logique musicale

S'il y a bien un rapport entre pensée musicale et pensée mathématique, ce rapport n'est pas, à mon sens, un parallélisme. De ce poinet de vue, il n'est pas vrai que formalisation, raison, calcul, cohérence, déduction... soient des mots qui aient le même sens en mathématique et en musique. Déjà à l'intérieur même des mathématiques il n'est pas véridique que la rationalité s'épuise dans le calcul (un certain nombre de grands théorèmes logiques portent sur ce point) ou que la démonstration s'éponge en une déduction formalisée(_), a fortiori dans l'espace de la pensée musicale et il n'y a guère de sens à concevoir que la dialectique intramathématicienne de la raison et du calcul puisse se transposer telle quelle en celle de la raison et des calculs musicaux, a fortiori qu'on puisse "appliquer" l'une à l'autre.
S'il fallait poser quelques hypothèses sur ces rapports entre pensée musicale et pensée mathématicienne, je proposerais de les chercher dans l'hypothèse d'une sorte d'antisymétrie entre ces deux domaines, la musique pratiquant les principes logiques des mathématiques en quelque sorte à l'envers. J'en donnerai ici trois modalités:

1) Là où la logique mathématique prescrit le "principe de non-contradiction" (je ne peux poser à la fois A et non-A sauf à verser dans l'inconsistance et par là à ne plus disposer de propositions impossibles à déduire dans mon système logique), la composition musicale poserait une sorte de "principe de négation contrainte": tout objet musical posé doit se composer avec son contraire c'est-à-dire se composer en devenir. Ceci, bien sûr, n'a de sens que parce que le terme musical ainsi posé n'est pas en soi susceptible d'être déclaré véridique ou erroné; il n'est pas destiné à supporter "une valeur de vérité".
Il faudrait en effet relever au prélable que la musique n'opère pas dans l'espace des propositions mais plutôt dans celui des prédicats; elle opére sur des équivalents de concepts, de mots (qui dans son cas sont bien entendu éminemment concrets) qui n'ont pas en principe d'inverse: on peut renverser une proposition (une phrase par exemple) en son contraire, on ne le peut, en général, pour un simple concept; d'où que la négation d'un prédicat ou d'une "idée" musicale ne soit pas son inversion (en vérité inexistante) mais plutôt le processus de son devenir et par là de son altération. Relevons au passage que ceci infirme le travail de Xenakis dans "Herma" au sens où la négation d'un ensemble n'est pas la position de son complémentaire (à l'intérieur du total des touches du piano) et qu'encore moins enchaîner l'un à l'autre n'est composer un devenir.
2) Là où la logique mathématique prescrit "le principe du tiers-exclu" (entre A et non-A il me faut choisir car il n'y a pas de position tierce), la composition musicale poserait un "principe du tiers-obligé": tout terme musical posé doit se composer avec un autre terme qui soit autre que la négation en devenir du premier, terme neutre (en un sens etymologique: ne-utrum) puisqu'il n'est "ni l'un, ni l'autre".
3) Là où la logique mathématique prescrit "le principe d'identité" (A, deux fois posé, est identique à lui-même en ses différentes occurences), la musique prescrit un "principe de différenciation": tout terme posé deux fois supporte par le fait même une altérité, soit: aucun terme n'est, posé deux fois, identique à lui-même, ou encore: en musique, répéter c'est altérer.
Ainsi composer, c'est poser ensemble trois termes: un terme musical premier, sa négation (son autre) et encore un Autre terme et c'est également composer l'altération de cette triade au fil de ses réitérations. Poser ensemble, com-poser désigne ici autant de processus que rien ne garantit a priori et surement pas le fait que l'un soit placé à coté de l'autre (que ce soit sur la partition ou dans le résultat sonore).
Cette antisymétrie des logiques mathématique et musicale interdit un transfert pur et simple des cohérences mathématiques aux consistances musicales: si A entraine B sur le plan de la démonstration ou de la déduction mathématique, enchainer un analogon musical de B après un analogon musical de A n'a en soi aucun sens musical.

XIV.L'esthétique de l'uniforme

Pourquoi Xenakis a-t-il atteint une telle notoriété? Pourquoi, à ma connaissance, si peu de positions critiques développées à son endroit depuis 30 ans (si l'on excepte, sans doute, quelques diatribes académiques, avant que Xenakis ne revête lui-même l'habit vert)? Si l'on se penche sur les raisons de son succès, il y a, je crois, et pour en revenir au point de départ de cet article, une préoccupation du "grand nombre", du "vaste ensemble" qui ne manque pas, à juste titre, d'attirer l'oreille et l'attention.

Il est vrai que tout un versant de la pensée musicale contemporaine s'intéresse non plus à l'individuel (tel que fourni à profusion par la musique tonale) mais à ces amples mouvements qui ont malgré tout donné le ton de ce siècle. D'où qu'une préoccupation musicale d'un nouveau collectif, de l'ample rassemblement (qu'on le nomme groupe, nuage, texture ou timbre) ait pris de nos jours une telle importance dans la composition; très clairement se rejoignent ici des nécessités immanentes à l'histoire musicale et des "poétiques" inspirées par le siècle.
Bien sûr cette préoccupation se scinde en esthétiques très diverses; pour sa part Xenakis, comme bien d'autres, tente d'en proposer une vision "naturaliste": c'est sa métaphore répétée où la foule humaine devient nuage gazeux ou amas de cigales.
Xenakis ne s'engage cependant pas dans une esthétique conséquente de la Nature qui impliquerait de stabiliser de l'intérieur ses vastes ensembles en assurant l'identité de leur Macro-structure et des micro-structures qui les composent. Cela, c'est plutôt le propos d'un compositeur comme Stockhausen; chez Xenakis, le discours est naturaliste mais la composition ne l'est pas, si bien que c'est surtout chez lui une esthétique de l'uniforme qui prend le dessus, une logique de la masse qui parce qu'elle serait nombreuse et en excès sur ses composantes devrait se tresser d'homogène.
Si l'on retrouve bien là au point de départ de son inspiration cette préoccupation moderne dont je parlais plus haut, on ne peut cependant accepter comme allant de soi ce rabattement du quelconque sur l'uniforme, de l'indiscernable sur l'indifférent. Tout au contraire un vaste ensemble, pour fonctionner comme rassemblement quelconque (ce qui est requis si l'on tient que le collectif moderne n'est pas un rouage fonctionnel d'une situation mais plutôt son clinamen) peut et même doit se composer d'éléments particularisés, individualisés, discernables. Sinon il ne sera précisément jamais quelconque mais terriblement particularisé: comme masse grisaillante d'éléments indifférents; il n'est alors qu'ennui de l'uniforme et du monotone même si tel mouvement ou tel geste vient ensuite l'agiter.
Ceci n'est-il pas le projet explicite de Xenakis, qui transparaît dans cette version d'un urbanisme "utopique" qu'il nous livre benoîtement et dont la lecture ne saurait manquer de faire froid dans le dos: "Le paysan classique, avec son travail manuel, devra disparaitre. La répartition des collectivités devra constituer, au départ, un mélange statistiquement parfait.(...) Le brassage devra être total et calculé stochastiquement par les bureaux spécialisés de la population"(_). Derrière ses rêves d'un compositeur commandant à des batteries de machines(_) après que le champ musical ait été débarrassé des interprètes, c'est bien cet idéal du bureaucrate, régentant sans souci du détail le monde de son fauteuil, qui dit la vérité de Xenakis.




NOTES
_ Cf.l'article de Xenakis de 1955 qui porte ce titre et dont on trouve des extraits dans"Musiques Formelles" p.18 et dans"Musique.Architecture"p.120
_ Cf. "Musique.Architecture" p.111
_ Je me permets de renvoyer pour ce point à mon article: "Comment passer le temps... selon Stockhausen"; Analyse Musicale n·6 Janvier 1987
_ Cf.le dossier "Ferneyhough" dans EntreTemps n·3 Février 1987
_ Je privilégierai dans cet article l'examen de deux partitions pour instrument solo: "Herma"(1960-1961) pour piano, et "Nomos Alpha"(1966) pour violoncelle; on y trouve en effet, de façon chimiquement pure, les principes et méthodes de composition que Xenakis utilise en général, y compris dans les oeuvres qu'il annonce plus "libres".
_ Xenakis aime faire référence à la technicité des énoncés mathématiques. La technicité minutieuse, indispensable lors d'un raisonnement mathématique, devient le plus souvent hors de ce contexte une pédanterie qui obscurcit les enjeux; miser, comme le fait implicitement Xenakis, sur l'usage socialement oppressif des mathématiques pour se donner l'apparence d'une cohérence me semble particulièrement insupportable.
_ Cf. "Essai sur l'unité des mathématiques" p.48; 10-18 n·1100
_ Notons que depuis près de 20 ans Xenakis assure la productivité record d'une heure de musique par an.
_ Cf.le dossier d'EntreTemps; n·2 Novembre 1986
_ Cf.le dossier d'EntreTemps; n·3 Février 1987
_ Cf."Ecrits" p.502. Seuil.
_ Cf. J.P.Sartre "Situations IV" p.26. Gallimard
_ Aristote, dont Xenakis se pare à l'occasion, disait: dans la tragédie, "le plus important est l'agencement des faits en système;(..) les caractères viennent en second". La Poétique: 1450 a 15 et 38.
_ Cf. A.Meunier p.254 dans: "Regards sur Iannis Xenakis". Stock-Musique 1981. Remarquons que cette conception purement instrumentale et même physiologique de la difficulté musicale est une vision strictement technique des problèmes, vision qui ne saurait ouvrir au sens musical.
_ Cf. par exemple dans ce numéro l'article de P.Dusapin.
_ Ce parcours est donné dans"Musiques Formelles" p.204 et suivantes.
_ Cf. "Musique.Architecture" p.93 et suivantes.
_ Cf. le dessin publié dans "Musique.Architecture" p.8 et dans"Musiques Formelles" p.21-25
_ Cf. "Erikhthon"(1974). C.Helffer indique, dans sa contribution à ce dossier: "Xenakis m'a remis deux mois avant le concert neuf pages de papier millimétré couverts de dessins et a simplement ajouté: il n'y a plus qu'à réaliser". Xenakis est un habitué des dessins "polyvalents" qu'il tente de rentabiliser simultanément en projets architecturaux, esquisses musicales et propositions géométriques.
_ Cf. Philippe Boudon: "Sur l'espace architectural. Essai d'épistémologie de l'architecture". Dunod 1981
_ Claude Royet Journoud: "La notion d'obstacle"; p.29 Gallimard 1978
_ L'exemple le plus abouti de ce travail, qui conduit à une discussion minutieuse des hypothèses de Xenakis, est à ma connaissance l'analyse de "Nomos Alpha" publiée par J.Vriend dans "Interface" vol.10 p.15 à 82 (1981).
_ Cf. son article: "A propos de Jonchaies" dans ce dossier
_ Cf. "Musiques formelles" p.190-191; "Musique.Architecture" p.42.
_ Cf. la préface de la partition d'"Herma".
_ Xenakis "oublie" curieusement la dimension des timbres instrumentaux, négligence et "à peu près" dont il est coutumier et qui indique clairement les dimensions dont sa musique est privée.
_ Je me permets de faire ici référence à mon article: "Visages du temps: Rythme, Timbre et Forme" EntreTemps n·1.
_ Expression de Xenakis citée par J. Vriend dans son article sur Nomos Alpha p.69
_ Aristote posait déjà que, dans la tragédie, "l'unité de l'histoire ne vient pas, comme certains le croient, de ce qu'elle a un héros unique" (La Poétique: 1451 a 16), soit: l'unité du temps tragique ne procède pas de l'unicité de qui l'occupe.
_ Cf. son texte sur "Jonchaies" dans ce numéro
_ Cf."Musiques Formelles" p.95
_ Cf."Musique.Architecture"p.28
_ Cf. p.17
_ Cf. F.Bayer: pages 100 et suivantes de son ouvrage: "De Schoenberg à Cage". Klincksieck 1981.
_ Terme de Xenakis cité par J.Vriend page 44 de son article.
_ Cf. pages 43 et suivantes de son article précédemment cité
_ page 3, 2·système, 2· et 3· mesures
_ Cf."Musique.Architecture"p.39
_ Cf."Musiques Formelles" p.34
_ "Entretien sur Dante"; L'Age d'Homme p.54
_ Cf. sa dernière "création": "Tauriphanie"
_ Cf.Casterman 1979
_ Cf."Musiques Formelles" p.17
_ Cf. "Arts/Sciences Alliages"p.14
_ Cf."Musique.Architecture"p.19
_ Cf."Musique.Architecture"p.192
_ Cf. sur ce point l'ouvrage de A.Szabo:"Les débuts des mathématiques grecques" Vrin 1977
_ Cf."Musique.Architecture"p.194
_ Cf. H.Gonshor:"An introduction to the theory of surreal numbers" Cambridge University Press 1986
_ Il utilise les permutations des sommets d'un cube que l'on obtient lors de sa rotation dans l'espace.
_ C'est un des grands mérites de l'article de J.Vriend que d'avoir mis à jour ces points et de proposer (p.32,38,41... de son article précédemment cité) d'autres techniques de calcul plus performantes, eu égard aux objectifs proclamés de Xenakis.
_ Je me permet de renvoyer sur cette question à mon article: "Partages d'écriture: Mathématique et Musique sont-elles contemporaines?" Cahiers du CREM n·1-2 Décembre 1986
_ Cf; sur tous ces points l'ouvrage précédemment cité d'A.Szabo
_ Cf. le livre d'Annie Bélis:"Aristoxène de Tarente et Aristote: le Traité d'Harmonie". Klincksieck 1986; ouvrage très discutable auquel on peut légitimement opposer les conclusions du livre d'A.Szabo (op. cit.)
_ Cf. J.Chailley: "Eléments de philologie musicale" p.18 Leduc 1985
_ Remarquez la suprème indifférence de Xenakis aux démonstrations mathématiques des résultats qu'il prétend utiliser; pourtant le sens d'un concept mathématique ne peut se saisir et s'éprouver que dans son travail déductif.
_ Cf."Musique.Architecture"p.69
_ Cf."Musique.Architecture"p.146
_ Cf. le livre de I.Lakatos: "Preuves et réfutations. Essai sur la logique de la découverte mathématique" Hermann 1984
_ Cf."Musique.Architecture"p.157-158
_ "Le compositeur devient (..) une sorte de pilote appuyant des boutons (..), surveillant les cadrans d'un vaisseau cosmique, navigant dans l'espace des sons (qu'il) peut maintenant explorer à son aise assis dans un fauteuil"; cf."Musiques Formelles" p.179