Sur le lien mathématiques-musique chez Xenakis
Stéphane SCHAUB
Lorsqu'il est question du lien entre mathématiques et musique au vingtième siècle, le nom de Iannis Xenakis est souvent un des premiers à être évoqué. En effet, dès Metastasis (1953-54) l'ingénieur devenu architecte et compositeur multiplie les créations d'oeuvres composées à l'aide de principes issus des mathématiques - de la théorie des probabilités jusqu'à celle des groupes - seul point de départ possible pour échapper, selon lui, à la "pensée linéaire" dans laquelle l'ensemble des compositeurs de son époque s'étaient fourvoyés.
La démarche xenakienne part d'un parti pris : la musique a besoin de l'apport des mathématiques pour pouvoir évoluer. Ceci est, après tout, loin d'aller de soi et sous-entend une grande confiance dans le pouvoir des mathématiques à assumer un rôle prédominant dans la création musicale. D'où découle, pour Xenakis, une telle confiance ?
Malgré le nombre important d'écrits théoriques, le compositeur laisse pour une grande part cette question ouverte. De prémisses parfois incertaines à des conclusions souvent provocatrices ses textes semblent constamment esquiver tout élément de réponse définitive - un aspect de sa production qui lui a d'ailleurs valu d'être au moins autant critiqué que salué.
Est-il possible de clarifier ce lien que Xenakis établit entre mathématiques et musique ?
Ce sera là la question centrale de notre discussion qui s'articulera autour de deux axes. Le premier sera l'oeuvre pour piano, Herma (1961) et le discours théorique de Xenakis (Chapitre 5 de Musiques Formelles, 1963) l'accompagnant, et dans lequel, partant d'une table rase, le compositeur ne laisse que deux éléments en présence : le son, qu'il veut à l'état brut, c'est-à-dire "ni plaisant, ni déplaisant", et l'outil mathématique. Le second axe sera le contexte de l'après guerre autant pour ce qui concerne les mathématiques que la musique.