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SCULPTURE NUMÉRIQUE

Création et Nouvelles Technologies
Patrick Saint-Jean
Agrégation d'Arts, option Arts Appliqués
Département Design, École Normale Supérieure, Cachan
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En Création et Nouvelles Technologies, la Sculpture Numérique peut prétendre à toutes les questions qu'en attendent aussi bien la Création que les Nouvelles Technologies du Numérique en Arts Plastiques, Arts Appliquées et Design.

Pour recentrer ce questionnement, il nous faut d'abords interroger le sens et l'histoire des mots pour non seulement mieux appréhender la diversité de son étendue mais les liens étroits avec les autres Créations et Nouvelles Technologies utilisées dans leurs pratiques, leurs démarches, leurs expérimentations et leurs réalisations en Arts Plastiques et Arts Plastiques Appliqués.

Partant de l'Encyclopédie Wikipedia, la Sculpture prend déjà toute sa diversité avant d'être numérique : http://fr.wikipedia.org/wiki/Sculpture

D'où les remarques liées à la technologie :
- La sculpture existe depuis le paléolithique (il y a 25 000 ans à peu près) et la petite figurine de Lespugue, sur ivoire de mammouth, est un très bel exemple de sculpture (taille directe par pression ou bien abrasion en frottant sur une pierre couverte de sable) et de polissage en finition. Le terme de "sculpture" vient étymologiquement du latin "sculpere" qui signifie: tailler ou enlever des morceaux à une pierre. Cette définition distingue entre "sculpture" et "modelage".
- La sculpture a tardivement été dissociée de la peinture, et à Paris ces deux catégories d'artistes que l'on distingue nettement aujourd'hui, appartenaient depuis le Moyen-Âge à la même communauté de métier des peintres et tailleurs d'images parce qu'avant l'invention des représentations perspectives modernes, le relief d'une image de grand format ne pouvait plus être donné autrement que par un traitement en bas-relief du plan du tableau.
- En France, c'est avec la création des académies de Peinture et de de sculpture que les deux métiers deviennent officiellement distincts, même si, à la Renaissance, beaucoup d'artistes restent aussi bon peintres que sculpteurs.
- Au XIXe siècle, on distingue encore le "sculpteur" qui taille (matériaux solides) pour créer une forme unique originale et le "statuaire" qui réalise des modèles (matériaux mous, modelable par technique indirecte de la "taille avec mise aux points", moulable et coulable).
- On appelle actuellement sculpture une activité artistique professionnelle consistant à concevoir et réaliser des formes pleines et en relief qui participent de l'architecture des bâtiments, des places et des jardins. Trois manières de créer une œuvre peuvent être envisagées, la taille, le modelage et l'assemblage, qui peuvent d'ailleurs être mobilisées pour la même sculpture.

Mais les techniques s'inventent et s'adaptent aux matériaux pour libérer la création de formes et d'images de forme.

Dans ses derniers écrits, Joan Miró affirmait même qu'à l'avenir, on pourrait imaginer des sculptures utilisant les gaz comme matériaux.

Lui faisant écho, Louis Leygue, dans son discours de réception de Nicolas Schöffer à l'Académie des Beaux-Arts, définissait ainsi la sculpture :
« La sculpture peut se réaliser selon trois procédés :
- celui qui consiste à prélever la matière dans un bloc compact,
- celui qui consiste à façonner une matière molle pour créer des formes,
- enfin celui qui consiste à fabriquer ce que l'on veut réaliser. »
Et en 1948, Nicolas Schöffer invente le spatiodynamisme, c'est-à-dire, selon sa définition, « l'intégration constructive et dynamique de l'espace dans l'œuvre plastique. ».
Pour lui, le sculpteur doit utiliser les techniques de son temps : les sculpteurs mycéens sculptaient l'albâtre avec des ciseaux de bronze, et nous devons Praxitèle et Phidias aux ciseaux de fer permettant de sculpter dans le marbre. « Les ciseaux en tant que tels ne sont ni significatifs ni éternels, et chaque époque crée ses propres ciseaux. » Aussi le sculpteur du XXe siècle doit-il utiliser les techniques électriques et électroniques qui sont à sa disposition pour animer la sculpture. Pour lui, la cybernétique, élément essentiel de son œuvre, est « la prise de conscience du processus vital qui maintient en équilibre l’ensemble des phénomènes ».
Dès les années 50 les approches en Musiques Formelles de Iannis Xenakis le feront utiliser la Théorie des gaz pour sculpter ses architectures sonores.

Recherches, enseignements et créations numériques de Patrick Saint-Jean :

Initié aux démarches de Iannis Xenakis et de Nicolas Schöffer, dès les années 60, Patrick Saint-Jean intégrera la démarche du sculpteur dans ses travaux d' Arts informatiques et de Création Numérique :
- En 1967, sur le plan théorique avec ce qu'il nomme les trans-combinaisons qui à la fois définit la représentation du cube dans la n-ième dimension, sculpture surréaliste, et la combinatoire d'une structure selon celle de sa structure englobante environnementale. Cette recherche en Musiques Formelles le fait associé très vite arts, sciences et technologies, où les mathématiques et l'informatique vont être les langages actifs, outils et instruments de sa création. Sur le plan pratique, l'art cinétique le poussera à realiser des montages dynamiques de lames d'aluminium ou de cuivre éclairées en rasant et mues en déformation permanente par l'action de moteurs avec jeux de cammes à moment décentré, produisant ainsi des sculptures lumineuses projetées dans l'espace ou toiles et murs font écrans.

- Dans les années 70,  ses recherches en Mathématiques (Structures topologiques et structures d'ensemble, Théorie des catégories, 1971) et ses recherches en composition musicale formelle (micro, mezzo et macro) le mène à la définition d'espace de texture prétopologique dans les espaces sonores (textures sonores) puis en imagerie numérique microscopique (texture chromatinienne, cellulaires, tissulaires) et avec le
BioArt créant des Bas Relief (1975) de cellules, de chromosome, d'images de gris (microscopiques ou portraits, objets concrets) scannées sur bélinographe, numérisées et visualisées en relief sur écran Tecktronix et hardcopy sur papier électrostatique (ligne par ligne, le profile de gris faisant l'épaisseur, et le décalage x,y donnant la perspective, l'image d'un bas relief apparaît). En concevant au CNET (1974-77) un système de mini-informatique de composition musicale et visuelle pour Iannis Xénakis, l'UPIC caractérisée par une table graphique format A0 de 4096 par 4096 pixels, montée en table à dessin, il intégre le dessin et la gomme numérique dans le dessin soit vectoriel soit ponctuel permettant de sculpter un espace sonore ou visuel architectural.

- Dans les années 80, si la mini-informatique se renforce, la micro-informatique apparaît : passé du Centre de Calcul au laboratoire puis du laboratoire à la salle de classe et à l'atelier collectif ou personnel par l'ordinateur personnel, l'instrument numérique d'arts et de sciences se démocratise. En montant le premier système 16 millions de couleurs IBM  286 (UFR APSA, CNRS, 1982) à l'aide de 3 cartes graphiques Matrox 512x512, la tentation de réaliser des assemblages par répétition d'objets virtuels colorés et éclairés est rendu possible en atelier : http://patrick.saintjean.free.fr/phpwebgallery/picture.php?/1655/category/168
En inventant la Robotique de Laboratoire pour la culture cellulaire (RobotCult) la subversion artistique, ne pouvait mener qu'au RobotPaint et RobotSculpt (1982-83)
En lançant l'Art Holographique à l'UNESCO en 82 à Paris, la sculpture virtuelle était née. (http://patrick.saintjean.free.fr/phpwebgallery/index.php?/category/176)
En utilisant les unités de stockage disque important sur cartouche magnétique structurée en base de données XYZ, il crée la Sculpture cellulaire (T4), tissulaire (Muscle) et chromosomique 3D. En effet la tomographie optique, obtenue par balayage en Z du focus d'un microscope avec caméra permet d'obtenir une banque d'images de points en gris ou colorés X,Y pour initialiser le stockage. Et la scrutation XYZ de la base permet de visualiser l'objet en plan de coupe virtuelle et en 3D perspective, 1984).
Colloque à la Sorbonne en 1988, Formation Art Images de Synthèse :
http://patrick.saintjean.free.fr/phpwebgallery/index.php?/category/273
A partir de 1989, il intègre à ses cours d'Arts informatiques à l'UFR APSA Paris I, la sculpture 3D avec Swivel 3D (Paracomp, san Francisco).

- Dans les années 90 : Les arts plastiques appliqués vont tirer les arts plastiques classiques et traditionels vers les nouvelles écritures, l'espace et la 3D interactive, au risque de déplaire aux intégristes de l'aplat, de l'antiperspective, de l'anti réalisme, du clair-obscure, du trompe l'oeil et d'un abstrait linéaire fondé sur les anciennes écritures.
Enjeux de l'Image Numérique CNAM 1994, et la première Galerie 3D Virtuelle : 
http://patrick.saintjean.free.fr/PACS/Bibliographie/CNAM94.html
To a behavioural Design, an other perspective for the 3D perspective of image synthesis to be immerse in new virtual worlds and to settle in its proper life (Computer Graphics 1997) :
http://patrick.saintjean.free.fr/PACS/Bibliographie/ComputGraph97.html
TechImages International N°21 1993, : L'Art Informatique, un enseignement, une réalité. La Sculpture informatique, un art pour demain.
 
http://patrick.saintjean.free.fr/phpwebgallery/index.php?/category/268
Pixel Magazine N°29, Fractale Rencontre 1996 : http://patrick.saintjean.free.fr/phpwebgallery/index.php?/category/271
Pixel Magazine N°30 SIGGRAPH 1996 : http://patrick.saintjean.free.fr/phpwebgallery/picture.php?/2322/category/275
Pixel Magazine N°32, Les 10 ans de Paris ACM SIGGRAPH, 1997 : http://patrick.saintjean.free.fr/phpwebgallery/picture.php?/2328/category/276
Pixel Magazine N°33, NURBS, QuickTime VR, 1997 :
http://patrick.saintjean.free.fr/phpwebgallery/picture.php?/2319/category/274
Pixel Magazine N°34, SIGGRAPH 1997 :  http://patrick.saintjean.free.fr/phpwebgallery/picture.php?/2332/category/277
Création Numérique N°18, 1996 Director 5 fait son Cinéma, une façon de sculpter la scène : http://patrick.saintjean.free.fr/phpwebgallery/picture.php?/2307/category/272

- Dans l'Odyssée de l'espace 3D du  nouveau siècle et nouveau millénaire :
Histoire et Etat des Arts Informatiques 2000 :
http://acmsiggraphparispc.free.fr/SIGGRAPH2005/HEA2005/HistEtatArtInf.html
Du Cybernétique au Cyber 2003 : http://acmsiggraphparispc.free.fr/CyberFR/CybernetiqueSommaire.html
Intersculpt 2007, la Sculpture du Concept dans les Espaces Interactifs de Connaissance :
http://patrick.saintjean.free.fr/PACS/Bibliographie/InterSculpt2007/ConferencePSJIntersculpt2007.html
http://patrick.saintjean.free.fr/PACS/Bibliographie/InterSculpt2007/PosterPSJIntersculpt2007.jpg

L'analyse peut être introduite par deux textes importants situant :
- la Sculpture numérique en tant qu'art comtemporain :
http://www.ethnographiques.org/Courtet-Catherine.html
Texte de Catherine Courtet, paru dans ethnographiques.org : De l’expérience du mouvement dans la danse moderne (publié en juin 2006) qui rappelle une expérience vécue par Patrick Saint-Jean en 1984 à l'Académie des Sciences de Bulgarie en observation pour des besoins de robotique, biomécanique et intelligence artificielle, aux répétitions du Ballet National de Sofia. Dans une salle très classique on répétait du Prokofiev et dans une autre plus moderne "La reine verte" de Pierre Henri. La magie s'opérait de deux façons différentes majeures selon la démarche utilisée bien que dirigée par un maître de ballet. L'une venant des règles extérieures de la danse classique, l'autre venant de l'intérieur du danceur lui-même en possession de tout son être stimulé par l'oeuvre musicale, les directives chorégraphiques et lui-même générateur de formes de style et de comportement. Cette expérience conforte alors la dimension trilogique contemporaine de : l'artiste créateur (représenté par le maître de ballet), l'oeuvre et l'acteur créateur. Cette trilogie s'associe à celle de interactif-intercréatif-intercréactif et se retrouve dans la Sculpture Numérique où matière et imatériaux sont générateurs de la magie des formes, styles et comportements entre l'artiste, l'oeuvre (ou produit) et le regardeur.
- et la Sculpture numérique dans son champs disciplinaires, inter-disciplinaire et trans-disciplinaire :
http://artsplastiques.ac-bordeaux.fr/bibliographie_chateau.htm

Texte de Dominique Chateau paru en 2002 : Défense et illustration de la notion d'arts plastiques (et de celle d'arts appliqués) qui en concluant voit :" deux raisons de maintenir la notion d’arts plastiques. Premièrement, vu son antinomie avec celle d’arts appliqués, cette notion récupère toute l’intensité de l’artistique. Deuxièmement, vu l’histoire des arts plastiques, elle récupère toute l’intensité de la plasticité.... Les arts appliqués ont tout autant droit à la plasticité que les arts plastiques. ... On a tout intérêt a plutôt traiter les arts plastiques à l’aune du sérieux de l’art et les arts appliqués à l’aune du sérieux de l’industrie (comme l’artisanat a d’ailleurs son propre sérieux). C’est alors qu’il est possible pédagogiquement d’organiser leur collaboration, qu’il est propice pédagogiquement de confronter les mêmes individus à leurs postures antinomiques. Mais j’ai bien peur que cette sorte de morale que l’histoire de la pratique et la théorie de cette histoire soutiennent contre l’idéologie ne soit pas dans le vent…"