Félix Guattari

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Félix Guattari
Philosophe occidental
Philosophie contemporaine
Naissance : 30 avril 1930 (Villeneuve-les-Sablons)
Décès : 29 août 1992 (Cour-Cheverny)
Principaux intérêts : Politique, psychanalyse
Idées remarquables : Schizoanalyse, écosophie
Influencé par : Freud, Marx, Lacan, Sartre
A influencé : Franco Berardi, Maurizio Lazzarato, Peter Pál Pelbart, Isabelle Stengers, Mony Elkaïm

Félix Guattari, né le 30 avril 1930 à Villeneuve-les-Sablons (Oise), mort le 29 août 1992 à la clinique de La Borde (Cour-Cheverny, Loir-et-Cher) est un psychanalyste et un philosophe français[1].

Sommaire

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Biographie [modifier]

Proche de Jean Oury et de son frère Fernand, il a travaillé toute sa vie à la clinique de La Borde, haut lieu de la psychothérapie institutionnelle. Il a suivi longtemps le séminaire de Jacques Lacan, qui fut son psychanalyste. Il a pris ses distances avec le « lacanisme » au fil de sa collaboration avec Gilles Deleuze (c'est lui l'inventeur du mot « déterritorialisation »)[2], tentant de renouer avec l'inventivité première de la psychanalyse, et a trouvé quelques échos notamment dans la pratique brésilienne[3]. Militant très à gauche, il a soutenu de nombreuses causes de minorités dans un contexte mondialisé (auprès des Palestiniens en 1976, en soutien aux opéraïstes italiens en 1977, pour le processus de re-démocratisation du Brésil à partir de 1979, etc.) Il a également fait parti du collectif de soutien à la candidature de Coluche pour la campagne présidentielle de 1981[4].

Philosophie [modifier]

Félix Guattari ne croit pas qu'il soit possible d'isoler l'élément inconscient dans le langage ou de le structurer dans des horizons signifiants. L'inconscient au contraire se rapporte à tout un champ social, économique et politique. Les objets du désir se déterminent comme réalité coextensive au champ social (et par conséquent à celui défini par l'économie politique).

Une cartographie de la subjectivité, pour avoir une portée analytique, doit selon lui se défaire de tout idéal de scientificité. Elle s'asseoit sur une critique percutante des modes de subjectivation subordonnés au régime identitaire et au modèle de la représentation, sur ce que la psychanalyste et collaboratrice Suely Rolnik appelle « le malaise dans la différence »[5]. L'éthique guattarienne consiste à opposer à cet idéal un constructivisme ontologique sur tous les plans, aussi bien dans le cas d'appréhension des niveaux éthologiques chez les bébés que dans celui de la fonction existentialisante du rock pour les jeunes ou bien encore dans celui de l'appréhension pathique dans la psychose, où peuvent être inclus les composants sémiotiques les plus divers (incorporation de la science ou des médias comme éléments du roman familial moderne, par exemple). Pour cela il faut accepter que la psyché soit le résultat de composants multiples, hétérogènes. Elle enveloppe le registre de la parole mais aussi les moyens de communication non verbaux, les relations à l'espace architectonique, les comportements éthologiques, les statuts économiques, les aspirations esthétiques et éthiques, etc. Ce qui implique qu'on ne peut prendre la subjectivité comme donnée, configurée par les structures universelles de la psyché, mais, au contraire, qu'il faut supposer des engendrements différenciés de subjectivations. C'est pourquoi l'inconscient n'est pas structurel mais processuel ; il ne peut être référé au seul roman familial mais doit l'être également aux machines techniques et sociales[6] ; il ne peut être entièrement tourné vers le passé mais doit également l'être vers le futur.

Penseur de la natalité, des commencements[7], la recherche radicale de Guattari d'une capacité à donner forme conceptuelle et pragmatique à des interrogations existentielles, à réintégrer la complexité des individus, leur libido, leurs rêves, dans l'équation politique, l'amène à promouvoir ce qu'il nommera une « écosophie »[8].

Le CERFI et la revue Recherches [modifier]

Il a été à l'origine du Centre d'Etudes, de Recherches et de Formation Institutionnelles (CERFI, 1965-1987)[9], dont la revue Recherches publia des dizaines de numéros spéciaux, approches amoralistes du travail, de l'école, des toxicomanies, des féminismes, des homosexualités et des dites « perversions »[10]...

Dans la lignée traditionnelle de critique des sciences humaines et, en particulier, de l'histoire, le premier apport original du CERFI concerne la critique de la psychanalyse, sa deuxième marque distinctive étant l' approche « généalogique » de l'histoire, centrée autour des phénomènes du « pouvoir », celle dont Nietzsche (La Généalogie de la morale) ou encore Foucault (Histoire de la folie à l'âge classique) ont pu établir le tracé : à la différence des autres types de discours, ceux que produit la méthode généalogique visent à approcher les valeurs dont ils parlent par les côtés, de biais.

L'analyse institutionnelle que le Centre se donne pour tâche explore ainsi un vaste champ qui va de l'histoire de l'État (équipements collectifs, urbanisme, administration centrale) à l'histoire sociale (de la classe ouvrière aux milieux marginaux).

La faculté critique des gens du CERFI (parmi lesquels on pouvait compter Anne Querrien, Numa Murard, François Fourquet, Liane Mozère...) a pu s'exercer de manière spécifique dans les domaines suivants : nosologie psychiatrique, théorie de la pédagogie, savoir de la petite enfance, urbanisme comme science ou « urbanologie », et enfin science économique.

Le vocabulaire de Guattari [modifier]

Citations [modifier]

  • « Il n'y a pas de manque dans l'absence ; l'absence est une présence en moi. »
  • « Mais, pourquoi le nier, certains enjeux politiques nous tiennent à cœur, et surtout certains refus qui nous conduisent, à nos risques et périls, à nous engager dans certaines aventures plus ou moins risquées. Notre expérience des formes dogmatiques d'engagement et notre inclination irrépressible vers les processus de singularisation nous prémunissent – du moins le pensons-nous – contre tout surcodage des intensités esthétiques et des agencements de désir, quelles que soient les propositions politiques et les partis auxquels on adhère, fussent-ils les mieux intentionnés. Il n'y a d'ailleurs qu'à suivre la pente. Chaque jour se fraient sous nos yeux de nouvelles voies de passage entre les domaines autrefois cloisonnés de l'art, de la technique, de l'éthique, de la politique, etc. Des objets inclassables, des “attracteurs étranges” – pour paraphraser une fois de plus les physiciens – nous incitent à brûler les vieilles langues de bois, à accélérer des particules de sens à haute énergie, pour débusquer d'autres vérités. »[11]

Ouvrages publiés en français [modifier]

  • Psychanalyse et transversalité, Maspéro, Paris, 1972 (réédition La Découverte, Paris, 2003)
  • La révolution moléculaire, Editions Recherches, Paris, 1977
  • La révolution moléculaire, UGE (10/18), Paris, 1980
  • L'inconscient machinique, Editions Recherches, Paris, 1979
  • Les années d'hiver : 1980-1985, Bernard Barrault, Paris, 1985
  • Cartographies schizoanalytiques, Galilée, Paris, 1989 (appendices sur Genet, Witkiewicz, Balthus, etc.)
  • Les trois écologies, Galilée, Paris 1989
  • Chaosmose, Galilée, Paris, 1992

Publications posthumes [modifier]

  • Ritournelle(s), Editions de la Pince à Linge, Paris, 2000 [lire en ligne]
  • Ritournelles, version intégrale sur Livropolis.com, Editions Lume
  • La philosophie est essentielle à l'existence humaine, entretien avec Antoine Spire, L'Aube, La Tour-d'Aigues, 2002
  • Ecrits pour L'Anti-Œdipe, textes agencés par Stéphane Nadaud, Lignes/Manifeste, Paris, 2004
  • 65 rêves de Kafka, préface de Stéphane Nadaud, Nouvelles éditions Lignes, Paris, 2007

En collaboration avec Gilles Deleuze [modifier]

  • L'Anti-Œdipe : capitalisme et schizophrénie, Minuit, Paris, 1972
  • Rhizome, Minuit, Paris, 1976 (repris dans Mille Plateaux)
  • Kafka, pour une littérature mineure, Minuit, Paris, 1975
  • Mille Plateaux : capitalisme et schizophrénie, Minuit, Paris, 1980
  • Qu'est-ce que la philosophie ? Minuit, Paris, 1991

En collaboration avec Toni Negri [modifier]

  • Les nouveaux espaces de liberté, Dominique Bedou, Paris, 1985.

Avec Jean Oury et François Tosquelles [modifier]

  • Pratique de l'institutionnel et politique (entretiens), Matrice, Paris, 1985

En collaboration avec Suely Rolnik [modifier]

  • Micropolitiques, Les Empêcheurs de penser en rond, Paris, 2007 (édition originale brésilienne, 1986) (extraits [pdf])

Autour de l'œuvre [modifier]

Livres [modifier]

Articles [modifier]

Liens externes [modifier]

Colloques [modifier]

  • The Guattari Effect : Conférence internationale, Centre for Research in Modern European Philosophy, Université de Middlesex, 17 et 18 avril 2008

Notes [modifier]

  1. De nombreux sites sont consacrés à Guattari, avec ou sans Deleuze. On pourra en premier lieu consulter le site de la revue Chimères, qu'ils ont fondée ensemble. On y trouvera des articles, des séminaires, au format pdf, ainsi que des liens vers d'autres sites.
  2. Cf. « Deleuze/Guattari : histoire d'une rencontre » par Anne Querrien, Magazine littéraire, n°406, février 2002
  3. Voir le Centre de recherches sur la Subjectivité de l'Université de São Paulo
  4. Cf. « Félix Guattari militant » par Oreste Scalzone et Anne Querrien
  5. Sur le site de l'Université tangente
  6. Sur le concept de machine chez Guattari (et Deleuze), voir Maurizio Lazzarato, « La machine »
  7. Voir le portrait intimiste qu'en dresse l'écrivain Michel Butel
  8. Dans la préface à une édition espagnole d’un recueil de textes, Anne Querrien retrace le complexe historique et politique dans lequel l'activité de Guattari s'enracine et sa pensée continue de dessiner des lignes de devenirs possibles. Cf. Schizoanalyse, capitalisme et liberté. La longue marche des désaffiliés.
  9. On trouvera en complément de la version éditoriale numérique des Recherches n°12 Trois milliards de pervers : grande encyclopédie des homosexualités (mars 1973), une histoire du CERFI par Anne Querrien. Voir également la présentation à L'accumulation du capital de François Fourquet.
  10. La liste des numéros disponibles peut être consultée sur le site des Éditions recherches.
  11. « La guerre, la crise ou la vie », Change International I, Paris, septembre 1983 ; repris dans Micropolitiques, Les Empêcheurs de penser en rond, Paris, 2007, p.268-272