Théorie des catégories

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La théorie des catégories étudie les structures mathématiques et les relations qu'elles entretiennent.


Les catégories sont utilisées dans la plupart des branches mathématiques et dans certains secteurs de l'informatique théorique et en mathématiques de la physique. Elles forment une notion unificatrice. Cette théorie a été mise en place par Samuel Eilenberg et Saunders Mac Lane en 1942-1945, en lien avec la topologie algébrique et propagée dans les années 1960-70 en France par Alexander Grothendieck qui en fit une étude systématique ; elle connaît dans les années 2000 un grande notoriété sous l'impulsion de Colin McLarty, entre autres.

Sommaire

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Éléments de base [modifier]

L'étude des catégories, très abstraite, fut motivée par l'abondance de caractéristiques communes à diverses classes liées à des structures mathématiques.

Voici un exemple. La classe Grp des groupes comprend tous les objets ayant une « structure de groupe ». Plus précisément, Grp comprend tous les ensembles G muni d'une relation binaire qui satisfait un certain ensemble d'axiomes. Des théorèmes peuvent ainsi être prouvés en effectuant des déductions logiques à partir de cet ensemble d'axiomes. Par exemple, ils apportent la preuve directe que l'élément identité d'un groupe est unique.

Au lieu d'étudier simplement l'objet seul (les groupes) qui possède une structure donnée, comme les théories mathématiques l'ont toujours fait, la théorie des catégories met l'accent sur les morphismes et les processus qui préservent la structure entre deux objets. Il apparaît qu'en étudiant ces morphismes l'on est capable d'en apprendre plus sur la structure des objets.

Dans notre exemple, les morphismes étudiés sont les homomorphismes de groupes. Un homomorphisme de groupe entre deux groupes préserve la structure de groupe d'une manière très précise ; c'est un processus qui à un groupe en associe un autre, tout en préservant toutes les informations sur la structure du premier groupe au sein du second groupe. L'étude des homomorphismes de groupe fournit alors un outil pour étudier les propriétés générales des groupes et les conséquences des axiomes relatifs aux groupes.

Il existe une intervention extérieure similaire dans de nombreuses théories mathématiques. Une catégorie est une formulation axiomatique relative à l'idée de relier des structures mathématiques aux fonctions qui préservent leur structure. Une étude systématique des catégories permet de prouver des résultats généraux à partir des axiomes d'une catégorie.

Une catégorie est elle-même un type de structure mathématiques dont il existe des processus qui préservent sa structure. De tels processus sont appelés foncteurs.

Définition [modifier]

Une catégorie \mathcal C, dans le langage de la théorie des classes, est la donnée de quatre éléments :

  • d'une classe dont les éléments sont appelés objets,
  • d'un ensemble Hom(A,B), pour chaque paire d'objets A et B, dont les éléments f sont appelés morphismes (ou flèches) entre A et B, et sont parfois notés f:A\to B,
  • d'un morphisme \mathrm{id}_A:A\to A, pour chaque objet A, appelé identité sur A,
  • d'un morphisme g\circ f:A\to C pour toute paire de morphismes f:A\to B et g:B\to C, appelé composée de f et g,

qui sont tels que

  • la composition est associative : pour tous morphismes f:A\to B, g:B\to C et h:C\to D,
(h\circ g)\circ f=h\circ(g\circ f),
  • les identités sont des éléments neutres de la composition : pour tout morphisme f:A\to B,
\mathrm{id}_B\circ f=f=f\circ\mathrm{id}_{A}.
  • on demande aussi que : \mathrm {Hom} (A, B) \cap \mathrm {Hom} (C, D) = \emptyset si (A, B)\neq (C, D)

Lorsqu'une catégorie est courante, certains lui donnent comme nom l'abréviation du nom de ses objets, entre parenthèses, pour signaler qu'il s'agit de leur catégorie ; nous suivrons ici cette convention.

Exemples [modifier]

  • La catégorie \mathcal(Ens), dont les objets sont les ensembles, et les flèches les applications, avec la composition usuelle des applications. En particulier, on voit que les objets d'une catégorie ne forment pas forcément un ensemble !
  • La catégorie \mathcal (Top), dont les objets sont les espaces topologiques, et les flèches les applications continues, avec la composition usuelle.
  • La catégorie \mathcal(Met), dont les objets sont les espaces métriques, et les flèches les applications uniformément continues, avec la composition usuelle.
  • La catégorie \mathcal(Mon), dont les objets sont les monoïdes et les flèches les morphismes, avec la composition usuelle.
  • La catégorie \mathcal(Grp), dont les objets sont les groupes et les flèches les morphismes, avec la composition usuelle.
  • La catégorie \mathcal(Ab), dont les objets sont les groupes abéliens et les flèches les morphismes, avec la composition usuelle.
  • La catégorie \mathcal(ACU), dont les objets sont les anneaux commutatifs unitaires et les flèches les morphismes, avec la composition usuelle.
  • La catégorie \mathcal(Ord), dont les objets sont les ensembles ordonnés et les flèches les applications croissantes.

Les exemples précédents ont une propriété en commun : les flèches sont toujours des applications, et les objets des ensembles (ce sont des catégories concrètes) ; cette propriété est très particulière. Voici des exemples de catégories sans cette propriété :

  • On se donne un monoïde (M,*,e)\,, et on définit la catégorie M\, ainsi :
  • objets : un seul ( peu importe lequel )
  • flèches : les éléments du monoïde, elles partent toute de l'unique objet pour y revenir ;
  • composition : donnée par la loi du monoïde (l'identité est donc la flèche associée à e\,).
  • objets : les éléments de l'ensemble ;
  • flèches : pour tous objets e\, et f\,, il existe une flèche de e\, vers f\, si et seulement si eRf\, (et pas de flèche sinon) ;
  • composition : la composée de deux flèches est la seule flèche qui réunit les deux extrémités (la relation est transitive !) ; l'identité est la seule flèche qui relie un objet à lui-même (la relation est réflexive !).
Cet exemple est particulièrement intéressant dans le cas suivant : l'ensemble est l'ensemble des ouverts d'un espace topologique, et la relation est l'inclusion ; cela permet de définir les notions de préfaisceau et de faisceau, via les foncteurs.

Catégorie duale [modifier]

À partir d'une catégorie \mathcal C, on peut définir une autre catégorie \mathcal C^{op} (ou \mathcal C ^ o), dite opposée ou duale, en prenant les mêmes objets, mais en inversant le sens des flèches.

Plus précisément : Hom_{\mathcal C^{op}}(A,B)=Hom_{\mathcal C}(B,A), et la composition de deux flèches opposées est l'opposée de leur composition :

f^{op}\circ g^{op}=(g\circ f)^{op}

Il est clair que la catégorie duale de la catégorie duale est la catégorie de départ : (\mathcal C^{op})^{op}=\mathcal C.

Cette dualisation extrêmement simple permet de symétriser la plupart des énoncés, ce qui peut être douloureux pour les débutants...

Propriétés des flèches [modifier]

Définitions [modifier]

Une flèche f:A\rightarrow B est dite un monomorphisme lorsqu'elle vérifie la propriété suivante : pour tout couple g,h\, de flèches E\rightarrow A (et donc aussi pour tout E\,), si f\circ g=f\circ h, alors g=h\,.

Une flèche f:A\rightarrow B est dite un épimorphisme lorsqu'elle vérifie la propriété suivante : pour tout couple g,h\, de flèches B\rightarrow E (et donc aussi pour tout E\,), si g\circ f=h\circ f, alors g=h\,.

Les notions de monomorphisme et d'épimorphisme sont duales l'une de l'autre : une flèche est un monomorphisme si et seulement si elle est un épimorphisme dans la catégorie duale.

Une flèche f:A\rightarrow B est dite un isomorphisme s'il existe une flèche g:B\rightarrow A telle que g\circ f=I_A et f\circ g=I_B. Cette notion est autoduale.

Exemples [modifier]

  • Dans la catégorie des ensembles, les monomorphismes sont les injections, les épimorphismes sont les surjections et les isomorphismes sont les bijections.
  • Un contre-exemple important en théorie des catégories : un morphisme peut à la fois être un monomorphisme et un épimorphisme, sans être pour autant un isomorphisme ; pour voir ce contre-exemple, il faut se placer dans la catégorie des anneaux commutatifs unitaires, et considérer la flèche (unique!) \mathbb Z\rightarrow\mathbb Q : elle est un monomorphisme car provient d'une application injective, un épimorphisme par localisation, mais n'est clairement pas un isomorphisme!
  • On trouve aussi de tels épimorphisme-monomorphisme non-isomorphiques dans la catégories des espaces topologiques : toute injection y est un monomorphisme, toute surjection est un épimorphisme, les isomorphismes sont les homéomorphismes, mais il y a des fonctions continues à la fois injectives et surjectives qui ne sont pas des homéomorphismes : par exemple l'identité sur un ensemble muni de deux topologies différentes, l'une plus grossière que l'autre.
  • Dans la catégorie des ensembles ordonnés les isomorphismes sont les bijections croissantes (elles sont nécessairement strictement croissantes).

Voir aussi [modifier]

Remarques [modifier]

  • Il arrive parfois que l'on oublie les objets d'une catégorie et que l'on ne s'intéresse plus qu'aux flèches, en substituant la flèche identité à l'objet.
  • Il existe la catégorie des petites catégories (la classe des obets est un ensemble), ainsi que la catégorie des foncteurs d'une petite catégorie à une autre (les morphismes sont les transformation naturelles .On voit ici le rôle joué par la théorie des classes NBG.

Bibliographie [modifier]

(en) Saunders Mac Lane, Categories for the working mathematician [détail des éditions]

Lien externe [modifier]